Pire que la dystopie… bienvenue dans l’enfer de la 11-topie !

Vous croyiez avoir traversé l’Enfer de la dystopie et laissé le pire derrière vous ? Que nenni, bienvenue au summum de la terreur, avec la 11-topie !

Et voilà nos hommes en bleu, notre village de Schtroumpfs nationaux à un nouveau moment charnière historique, à un nouvel aiguillage entre des rêves d’horizons pleins d’étoiles et des lendemains qui Deschamps’tent.

Prêts à décoller vers l’infini et au-delà d’un sacre Européen qui leur est promis ?

Qui leur est promis ? Mais quel blasphème ose-je là ? Qui NOUS EST DÛ !

… ou alors à la merci d’un trou d’air, d’un tremblement de terre helvète [i] qui les renverrait (car oui, vous l’avez vu, comment, subtilement, le « nous » se défausse soudain et se cache derrière le doigt accusateur vers « eux »), penauds et contrits, sur la banquette du fond d’un bus, tels des garnements gâtés et impertinents, indignes même avec un Digne, laissant à Dédé la corvée de faire passer la saumure.

Depuis Brazil (le film de 1985 de Terry Gilliam, pas la Seleçao Canarinho qui a soulevé 5 fois le Graal !) on savait le pouvoir d’usure et d’oppression des ronds de cuir, mais avec le ballon rond et ses nouveaux jeux du cirque médiatique, on atteint de nouveaux sommets dans la dystopie, avec… la onze-topie !

Les « millennials » et autres générations Z ne peuvent pas comprendre pourquoi leurs parents et grands-parents qui n’ont pourtant jamais connu les 3 guerres franco-allemandes gardent cette rancune cocardière vis-à-vis de leurs cousins Germains, qui alignent crânement 4 étoiles sur leur maillot (voilà déjà un indice !).

Alors OK, Papy-boomer, qui n’est cependant pas né assez tôt pour faire la résistance, va vous compter l’Histoire (avec une grande H).

Commencez par poser votre smartphone lentement et détacher vos yeux de vos fils d’actualités et de discussions (oui, tous vos fils de discussion et d’actualités… si, si) pendant 30 secondes…

C’est fait ? Vous voyez que vous en êtes capables et que le monde, même le vôtre, ne s’est pas encore écroulé ? Bravo ! Vous avez bien mérité les 3 à 4 minutes de lecture et de distraction à venir pour récompenser vos efforts.

George Orwell peut remballer son « 1984 » : le cataclysme qui a eu lieu le 8 juillet 1982 dans le « chaudron » Sanchez Pizjuan de Séville, lors de LA mythique demi-finale de Coupe du Monde France-Allemagne, a devancé de 2 ans, et relégué au rang de comptine enfantine sa mièvre fiction.

Jugez plutôt :

120 minutes étouffantes, insoutenables, interminables, de corps à corps dans les tranchées, sur une ligne de front permanente, digne du Chemin des Drames, qui en aura laissé vert plus d’un après l’avoir grisé (et j’en fis partie, même si j’étais loin d’être Poilu sous mes culottes courtes).

Une agression sauvage et odieuse du gardien du camp adverse, Schumacher, sur notre vaillant attaquant, Battiston, le laisse K.O., fans dents (il en perd 3 dans le phoque, et fa n’a fait rire perfonne fur le coup) et sans voix… Et surtout reste iniquement impunie ! La réputation de l’arbitrage ne s’en est jamais remise dans notre pays, encore à ce jour. Bernard Tapie lui-même – expert en ce domaine, de l’affaire VA-OM à l’arbitrage du Crédit Lyonnais qui lui colle toujours aux burnes – peut en témoigner.

L’espoir, fou et grisant, qui monte quand Platoche remet les compteurs à zéro en répondant à Littbarski à la 26e minute (si, si, les jeunes, avant de devenir un débonnaire gestionnaire insipide et roublard de l’UEFA, Michel Platini a été notre Super-héros, à la fois Zizou et M’bappé à lui tout seul – tout comme Yannick Noah avait remis la France sur la carte du tennis mondial avant sa deuxième vie de chanteur).  

L’espoir qui devient tsunami quand nos valeureux Gaulois résistent, encore et toujours, à l’envahisseur, jusqu’à la dernière minute du temps règlementaire (tiens, même lui on peut légitimement le soupçonner d’avoir viré collabo et perdu son impartialité, parce que franchement, y a-t-il qualificatif plus caricaturalement teuton que « règlementaire » ?) malgré cet odieux incident.

L’espoir qui bouillonne et explose quand Marius Trésor et Alain Giresse donnent nettement l’avantage, 3-1, à une équipe de France en fusion, au bout de la 8e minute des prolongations ! Ca y est, pour la toute première fois, tout-toute première fois, on s’y voit, on y est déjà, on est en finale, on est en finale…

Et patatras, le rêve, extraordinaire, exubérant, se fracasse sur la ténacité froide et le réalisme glacial de nos cousins Germains, nos ennemis les plus fidèles, les voisins dont nous sommes les plus jaloux. Karl-Heinz puis Klaus viennent méthodiquement ruiner l’avantage arraché avec tant de maestria, de panache et de bravoure, et dans lequel nous placions une confiance aussi béate que dans une certaine ligne Maginot, fût un autre temps…

Et voilà que nos héros boivent le K lisse jusqu’à l’hallali, crucifiés aux tirs aux buts par la Deutsche Qualität et Zuverlässigkeit de la Mannschaft – une première dans une phase finale de l’histoire de la Coupe du Monde !

Alors il est où, Orwell, à côté d’une dystopie de cette trempe ?  Aucune chance ne serait-ce que de figurer sur la feuille de match ! Même en remplaçant on ne pourrait pas le blairer[ii] !

L’état de transe dans lequel me laisse ce récit, comme vous avez pu le constater, vous fait effleurer du bout des doigts la charge émotionnelle encore contenue dans cette grenade dégoupillée qui continue à affoler mon palpitant.

Et Aldous Huxley ? Il peut aller se rhabiller, avec son « Meilleur des Mondes » !

Jamais on n’aura connu et on ne connaîtra plus désespérant et humiliant que de glisser, lentement mais inexorablement jusqu’au fiasco du bus de Knysna en 2010 en Afrique du Sud, après avoir goûté à l’exaltation, la jubilation ultime d’avoir été – enfin ! – « les Meilleurs du Monde », fiers comme des gamins d’avoir décroché notre première Etoile, d’avoir atteint le Toit du Monde, en 1998 ! 

Image chinée et dénichée par 6rano

Et Margaret Atwood, alors ? Elle croit vraiment qu’elle peut nous faire pleurer sur le sort de sa « Servante Écarlate », quand depuis quinze jours déjà, et pour quinze jours encore, une majorité de la population féminine de la planète en est réduite à subir, impuissante, la contamination inéluctable par un virus particulièrement redoutable et pernicieux de l’autre moitié de la population. La Covid 19 ?  Et non, elle n’est qu’une grippette insignifiante à côté de cette bombe virologique qu’est le football, qui réduit les plus délicieux et évolués des hommes en un troupeau grégaire de hooligans hébétés, décérébrés, braillards et tonitruants, hypnotisés par des écrans plats à l’échelle de leur abrutissement.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés…[iii]

15,1 millions de téléspectateurs les yeux rivés devant le dernier match France-Allemagne mardi dernier, plus que de votes exprimés lors du premier tour des élections départementales et régionales ce dimanche (14,7 millions) ! Ça n’aurait pas un furieux relent nauséabond de « panem et circences » ? Qu’aurons-nous réellement appris en 2000 ans d’histoire et de « progrès » ?

Image chinée et dénichée par 6rano

Et pendant ce temps, même Simone n’est plus là pour veiller. Les migrants continuent à se noyer en essayant désespérément de dépasser le milieu du terrain de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Le Royaume continue inlassablement à se désunir et à se déchirer (au moins, de ce côté-là, le boulot est déjà fait côté football, l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Ecosse se tirant déjà la bourre chacune de son côté). Les Palestiniens continuent à subir un pressing impitoyable dans les miettes en ruines qui restent de « leurs » territoires. Le calvaire des Ouïgours s’impose comme le morne horizon qui attend patiemment et impitoyablement d’user à leur tour les doux rêveurs de Hong-Kong, poussés à la faute sous l’oeil inquisiteur de la VAR du Big Brother de Pékin. L’équipe des Douze Salopards (El-Assad, Dutertre, Bolsonaro, Orban, Duda, Poutine, Ben Salmane, Jinping, Erdogan, Nazarbaiev, Loukachenko, Jong-Un, Deby, Afewerki – eh oui, malheureusement l’équipe est complète et il y a même des remplaçants !) continue à jouer « hors jeu », impunément et au mépris de… au mépris de tout et de tous, en fait.

Couverture de Charlie Hebdo, chinée et dénichée par 6rano

Mais tout ça, ça se passe en dehors de l’Arène, dans des Districts très éloignés et très ignorés des projecteurs de nos Hunger Games à nous. Le malaise cardiaque de notre Pita[iv], le joueur Danois Christian Eriksen en plein match (et dont il se sortira) aura déclenché une « frayeur » bien plus « immense » (dixit les titres de la presse – certes sportive – mais internationale quand même) que les milliers de victimes de ces désastres humanitaires qui continuent tranquillement à sévir bien loin au-delà des gradins, du canapé du salon et du sports-bar du coin…

 Alors, qu’on Mbappé ou qu’on préfère haïr Benzema, 
 Kanté capable de maintenir l’adversaire à la merci d’un coup de Grizou,  
 Coman vous montrer Digne d’une telle débauche de talent ?
 En commençant par éviter les Châtiments à Hugo Lloris’que de le frustrer
 En ne vous montrant pas trop Pavard de vos efforts collectifs,
 En donnant à Raphaël le cadre pour sa transfiguration[v],
 Vous verrez, l’insoutenable légèreté de l’être de Koundé ravivera l’Étoile[vi]
 De notre saint Paul national sur le chemin de Damas[vii] … 

Daaamaaas, ton univers est décidément vraiment impitoyaaaaaable !

« C’était en direct de l’EURO 2021,  «Dans l’enfer de la onze-topie, pire que la dystopie», je vous rend l’antienne, à vous les studios ! »


Thierry Roland et Jean-Michel Larqué, 2 des mousquetaires mythiques du commentaire footballistique

Pattes de mouche du Kfard :

[i] Vous pensez que j’affabule, en imaginant un tremblement de terre dans ces si placides et si discrètes terres helvètes ? Et bien sachez qu’en 563, le Tauredunum ou « mont Taurus » a subi un écroulement qui a « mis le feu au lac » en ensevelissant un fort et plusieurs villages, et en provoquant un tsunami (oui vous avec bien lu, un tsunami !) avec des vagues jusqu’à 13m de haut à Lausanne et 8m à Genève à cause de l’effet des ondes de résonance. Ce serait bien la poisse si l’Équipe de France était victime du prochain sursaut d’activité de la Nati, 1458 ans plus tard, mais enfin statistiquement, on s’en rapproche.

[ii] George Orwell était le nom de plume d’Eric Arthur Blair

[iii] Dans la fable « Les animaux malades de la Peste », de la Fontaine

[iv] Pita est le prénom du héros masculin dans Hunger Games (roman de Suzanne Collins adapté à l’écran par Gary Ross puis Francis Lawrence), le partenaire de l’héroïne Katniss Everdeen. Il n’aura pas échappé à votre sagacité qu’il est constitué par les initiales de « Pain In The Ass » (en anglais, « gros emmerdement »)

[v] Fait référence à Raphaël Varane, défenseur central. La Transfiguration est une œuvre du peintre Raphaël (Raffaello Sanzio di Urbino, né en 1483 et mort en 1520). Et ce coup-ci, non, ce n’était pas la « vie d’avant » du chanteur Raphaël, comme pour Platini ou Noah. Ça ne marche pas à tous les coups ;-).

[vi] Fait référence à Jules Koundé, défenseur latéral. « L’insoutenable légèreté de l’être » est un roman de Milan Kundera publié en 1982, qui a été adapté à l’écran par Philip Kaufman en 1988.

[vii] Fait référence à Paul Pogba, milieu de terrain .

« Dallas, ton univers impitoyable », accroche du générique de la « série télé » mythique des années 70-80, « Dallas ».

Saint Paul, qui a été sous le nom de Saul un juif et citoyen romain persécuteur des premiers disciples de Jésus de Nazareth, a vécu la révélation de sa conversion sur le chemin de Damas, pour devenir un apôtre et une figure majeure de la diffusion du christianisme à Rome, en Grèce et en Asie Mineure.

Tant de temps…

Tant de temps sans nouvelles du Kfard ? Tan Tan Tan ! Le voici de retour, avec une petite variation tant pétueuse que tant tatrice. A dévorer avec attention, mais sans attendre !

T’en souviens-tu, de nos vingt ans,

du temps des cerises, du coq et de la pendule,

Quand le temps ne pensait surtout
Qu’à passer son temps auprès d’elle
i

tu m’attends, je t’attends, tout le tempsii,

le cœur battant – tant de tempérament !

nous cédions à la tentation, ou tentions le diable

Tantôt l’un, tantôt l’autre, et ultime tension,

hésitant un tantinet, de temps à autre, entre les deux.

Photo chinée et Dnichée par 6rano

A quarante ans, au mitant de notre passe-temps,

toujours partants, toujours par temps clair,

Nous étions des Titans, les maîtres du temps,

Surmontant l’imparfait conditionnel du subjonctif

Inventant le plus-que-parfait impératif du futur

Notre soif, nous l’étanchions

à l’estanquet pour le spiritueux

ou au Tantra pour le spirituel,

Notre rythme haletant,

plantant la tente du Pakistan au Bouthan

tendant des tentures de tartan sous les arc-boutants

tantôt tempéré, temporisant – tantôt tempétueux, pestant

Notre détente, c’était la pétanque – nous y passions tant d’heures !

Y en a tant qui tuent le temps, tant et tant qui le perdent ou le passent
Tant qui se mentent, inventent en les rêvant des instants de grâce
iii

Photo chinée et Dnichée par 6rano

En somme, tant de Tancrède et si plus de Tantale !

Assez-t-il tout étant, à quatre-vingt’ ans, on est dans les arrêts de je – quelle tuile !

Echappé au mitard, au juste à temps, aux tempêtes des tambours,

des tanks, des attentats et tantôt, au temps d’incubation

Tentant ou tant d’ans ?

Autant en emporte le vent d’autan, tant pis !

l’infarctus étend ses tentacules sur les ventricules

Des argentés d’Etampes aux tempes argentées,

Ce n’est plus un cygne de rivière, c’est un signe des temps !iv

Tant et si bien qu’à la fin,

à force de vous noyer dans les « tan »,

vous en aurez mare, voudrez me tancer…

Au temps pour moi… !

Il est trop Tar’…

Temps mort !

Image chinée et Dnichée par 6rano

Pattes de mouche du Kfard :

i Le Coq et la Pendule, Claude Nougaro

ii Je t’attends, de Jean-Jacques Goldman, interprété par Johnny Hallyday

iii Encore un soir, de..Jean-Jacques Goldman encore, interprété par Céline Dion

iv Le Cygne Blanc, de Francis Cabrel