« so boring or so Boris ? »… that is the question

Mais qu’est-ce qui le Brexite tant, Boris, pour qu’il remonte sur les planches chaque jour pour révéler une nouvelle facette de sa pièce à chaque fois ? Croyez-moi, ce n’est pas du Shakespeare…

Mais qu’est-ce qui le Brexite tant, Boris, pour qu’il remonte sur les planches chaque jour pour révéler une nouvelle facette de sa pièce à chaque fois ? Croyez-moi, ce n’est pas du Shakespeare…

Vous pensiez qu’il n’y a pas à tortiller : c’est pile ou c’est face ! Eh bien le fantasque et foutraque Bojo le clown, lui, ne se laisse jamais enfermer dans un choix aussi cornélien (il n’y a que les Français pour brailler du Corneille). Cet illusionniste est capable de vous surprendre à chaque fois qu’il la lance, sa pièce, en inventant une nouvelle face à chaque fois qu’elle retombe, qui répond pile à sa « conviction »[i] du moment.

Tin, tin, tin, et voilàààààààààà !

Pile ou face ? Tellement cartésien (encore un Français) et « so boring » pour notre Boris… pardon, « leur » Boris ! Et pourquoi pas Passe, File, Pif, Paf ou Plouf ? (toute allusion sarcastique au conflit sur les droits de pêche serait purement fortuite, indeed !)

« Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent » disait Edgar Faure (encore un maudit Français !), mais même une girouette est une image trop déterministe et prévisible pour Boris, parce qu’après tout, elle n’indique qu’une direction à la fois.

Boris, lui, a élevé « l’agilité », la « real politik » au rang d’art martial, et est capable de tourner en bourrique notre pourtant ceinture noire nationale du « en même temps ». Regardez sa chevelure, qui rend caduc le terme même de coiffure : où que souffle le vent, il y a à chaque instant une mèche qui va dans son sens (… et toujours aussi une dans le sens opposé, déjà prête, au cas où…).

Waouh, bluffants les effets spéciaux !

Les Anglais pouvaient-ils rêver meilleur expert que ce pur produit de l’upper class de noble lignée pour gérer un divorce si douloureux, cette rupture d’avec l’Union Européenne ? Cette roturière orgueilleuse commençait à prendre ses aises. Elle ne s’imaginait quand même pas régenter le domaine de sa Majesté la Reine-mère du Commonwealth ? Mais quel orgueil et quelle ignorance crasse des raffinements de l’étiquette ! Ce n’est tout de même pas un majordome ou une intendante qui va prétendre prendre en main la destinée du Comté de Grantham, n’en déplaise à tous les Mr Carson et Mrs Hughes[ii]  du Berlaymont[iii]!

Il en connait un rayon en ruptures et divorces, lui, que ce soit dans sa vie privée ou publique, et chacun de ces chocs, loin de l’abattre, a permis à ce culbuto de se redresser et repartir à l’assaut, plus fort encore.

Ayant débuté sa carrière de journaliste comme correspondant stagiaire au Times, il est viré au bout d’un an seulement, pour avoir falsifié une citation de son parrain. Marié en 1987 à Allegra Mostyn-Owen, cette union dure elle aussi moins d’un an. Mais qu’à cela ne tienne, il se remarie 12 jours à peine après que ce 1er mariage soit annulé, en 1993, avec Marina Wheeler, avocate puis conseillère de la Reine, qui est déjà enceinte de leur premier enfant. Après avoir eu 3 autres enfants avec elle, Boris continue seul sa croisière (pas vraiment en solitaire néanmoins) en enfilant les relations comme des perles : 4 ans avec la journaliste Petronella Wyatt, alors qu’il est son rédacteur (mais manifestement pas que…) au magazine Spectator, ce qui lui vaudra d’être démis de ses fonctions de vice-président du parti conservateur en 2004. En 2009, naît sa fille Stephanie, issue de sa liaison avec Helen Macintyre, une consultante en art (mais manifestement pas que…), sa paternité étant révélée en 2013 après que l’action en justice pour maintenir le secret de l’identité du père ait été déboutée. Et en 2018, sa liaison avec Carrie Symmonds, la directrice de la communication du Parti Conservateur, fait encore scandale, et finit par convaincre ce cabotin amateur de cabotage de renoncer à son anneau à la Marina, où il accostait de moins en moins. En février 2020 sa relation avec Carrie Symmonds, enceinte, est officialisée, et il se marient (Encore ? mais que fait le Pape ?), en toutes petites pompes, en mai 2021.

Londres, qui ne voulait plus Ken[iv], a paradoxalement élu ce séducteur compulsif comme Maire sur un malentendu en 2008, puis, séduite, l’a réélu en 2012, l’année où Bojo accueillait les beaux-JO et leur drapeau aux 5 anneaux (Allegra, Marina, Carrie,…il nous en resterait encore 2 à découvrir ? Quelle santé ce Boris !)

Le petit dernier n’est pas le moins bruyant de la famille,
hélas… même si je n’en suis pas le seul père

Ardent pourfendeur de l’Union Européenne tout au long de sa carrière journalistique et politique, il a qualifié le vote pour le « oui » au Brexit « jour de l’indépendance de la Grande Bretagne » – alors qu’il avait signé une profession de foi 2 jours avant glorifiant « l’aubaine » que serait un maintien dans l’UE, et annonçant un « choc économique » en cas de Brexit. Mais avec Bojo, ce qui nous aurait surpris, c’est qu’il ne change pas d’avis.

Il s’est imposé comme défenseur d’une version dure (« hard Brexit »), en démissionnant en 2018 du gouvernement de la mère Theresa, pour – revanche suprême – prendre sa succession un an plus tard et couper lui-même avec les dents le cordon reliant encore la Grande-Bretagne au continent Européen. Peu importe que son frère Jo, qui était ministre dans son gouvernement en désaccord avec la version brutale du Brexit de son grand frère (Averell[v] ?), aie démissionné en 2019, et que son propre père, Stanley Johnson, aie demandé en décembre dernier la nationalité française pour échapper aux conséquences de l’accord précipité par son fils. Si j’étais britannique, je serais quand même un peu fébrile de telles décisions de la part d’intimes qui connaissent si bien l’animal.

« Alohomora ! » (sort pour ouvrir des portes verrouillées, dans Harry Potter)

Boris s’inscrit dans la lignée millénaire[vi] des insulaires Grand-Bretons toujours prompts à narguer – et, cherry on the cake, humilier si possible – leur meilleur et plus fidèle ennemi, avec lequel ils se tirent régulièrement par la Manche.

Ce flibustier a surkiffé l’opportunité que lui a donné l’oncle Sam de s’essuyer les pieds sur le paillasson tricolore, et en prime de redorer le blason du Commonwealth, en rejoignant l’Alliance AUKUS qui a coulé « le contrat du siècle » de 12 sous-marins à plus de 50 milliards d’euros que la France avait vendus à l’Australie.

Terre ! Erreur…. Terreur !

Et c’est sans aucun complexe, mais plutôt avec une gourmandise toute machiavélique, qu’il feint d’ignorer les termes de l’accord négocié pied à pied pendant plus de deux ans avec l’Europe, et dont l’encre est à peine sèche. Eh oui, c’est dur, Alex (qui est son prénom de naissance, Boris n’étant que son 2e prénom, qu’il a troqué depuis son adolescence), sed lex !

Sa dernière trouvaille pour titiller les Froggies[vii] ?  Distribuer au compte-gouttes les licences à leurs pauvres pêcheurs, cette bande de marins ultra de métropole qui piaille sans avoir la moindre idée de ce qu’est la possibilité d’une île[viii] , et qui pense que la messe aurait déjà été dite, en latin qui plus est. Ils n’imaginent quand même pas donner des leçons de caté-schisme à HMS[ix] Boris, lui qui est le premier catholique à accéder à la fonction de Premier Ministre au Royaume (pour le moment encore) Uni ?

Un pyromane catholique à Westminster… La dernière fois que cela s’était vu, en 1605, ça s’était mal terminé pour le principal protagoniste, Guy Fawkes. Ce « poor Guy » faisait partie d’une conspiration qui avait amassé des barils de poudre sous la chambre des Lords à Westminster pour assassiner le roi Jacques 1e et les Lords qui le soutenaient, afin de le remplacer par un roi catholique. Mais, démasqués suite à une lettre anonyme, lui et ses complices sont arrêtés, interrogés et torturés, et il se brise le cou en se jetant de l’échafaud (« poor, poor Guy », vraiment). Depuis, chaque année, le 5 novembre, l’échec de cette « conspiration des poudres » est célébré par les bûchers et les feux d’artifice du « Guy Fawkes Day » à travers tout le pays.

Il ne manque pas d’R et il fait feu de tout BOIS, c’est…. c’est…. ?

Ceux qui applaudissent encore ce transformiste capable de retourner sa veste plus vite que son ombre, ce Bojo le clown qui multiplie les pitreries et les saillies pour finir toujours plus haut sur l’affiche, risquent d’en être pour leurs frais quand ils se réveilleront de leur hypnose. Ils réaliseront alors qu’Alex-Boris ne joue pas un rôle, mais qu’il vit sa vie et sévit, et que les étincelles qu’il sème par brassées pourraient bien déclencher … une explosion retentissante du Royaume millénaire de Grande Bretagne.

Une bombe à retardement dites-vous ?
« Keep calm and carry on », la bonne nouvelle c’est qu’elle ne va pas exploser tout de suite !

Confions la conclusion à Shakespeare, qui connaît manifestement très bien notre (non, leur – thanks Brexit) Boris :

Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs rôles.” (dans « Comme il vous plaira »)

Qu’est-ce que l’honneur ? Un mot. Qu’est-ce que ce mot, Honneur ? De l’air. ” (dans « Henri IV »)

Et là, il ne faudrait pas que je rate mon triple-Alex…

Pattes de mouche du Kfard :

[i] Faux-ami à double titre:

  • « conviction » en anglais se traduit par « condamnation » en français
  • Mais ici, le terme « conviction », pourtant bien utilisé dans son acception française, correspondrait plutôt à une « lubie »

[ii] La série Downton Abbey relate les péripéties de la famille Crawley, dont le père a le titre de Comte de Grantham, et possède le domaine de Downton Abbey, et de leur brigade de domestiques, menée de mains de maître par le majordome, Charles Carson, et l’intendante, Elsie Hughes, à partir de 1912.

[iii] Le bâtiment du Berlaymont, à Bruxelles, est le siège de la Commission Européenne

[iv] Ken Livingstone, Maire travailliste de Londres, de 2000 à 2008 (surnommé « Ken le Rouge » à cause de son passé trotskiste)

[v] Joe, Jack, William et Averell sont les 4 frères Dalton, une fratrie de bandits de grand chemin que Lucky Luke ramène régulièrement en prison dans la série de BD de Morris. Joe est le plus petit et l’aîné de la fratrie, leader du groupe, le plus intelligent et le plus nerveux et colérique. Averell est le plus grand, plus jeune, plus sensible et plus idiot des quatre (mais capable de coups de génie, d’autant plus surprenants).

[vi] Pour avoir un aperçu des racines profondes de cet antagonisme millénaire qui n’a connu que quelques rares exceptions « d’entente cordiale » de quelques années, alors que les guerres – qui pouvaient durer des décennies – se sont succédées, je vous conseille l’hilarant « 1000 years of annoying the French » de Stephen Clarke.

[vii] Froggies, « Les petites grenouilles », surnom méprisant dont les Anglais affublent les Français, parce qu’ils ont ou plutôt auraient une tradition « so shocking ! » de manger des cuisses de grenouilles

[viii] C’est du grand Boris (du grand n’importe quoi, en français), d’amener Michel Houellebecq – qui n’a vraiment rien demandé – sur ce terrain avec son roman publié en 2005, « la Possibilité d’une Ile ».

[ix] HMS, pour « Her Majesty’s Servant » – le serviteur de sa Majesté

Le masque et la plume

Dans ce bal masqué de dupes, démasquons les faux-monnayeurs qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes, des bitcoins pour des lingots, un emballage de fast-food pour un chef d’oeuvre !

Dans le monde d’avant, il arrivait assurément qu’un clandestin chafouin dissimule, qu’un cachotier secret camoufle, qu’un dévot prosélyte voile, voire à l’occasion qu’un illusionniste illustre escamote.

Mais jamais encore, au grand jamais, n’avait-on vu (pas vu, quand on y réfléchit…) une telle masqu’arade à l’échelle (ou au chevet ?) de la planète !

Il y a certes 50 nuances d’aigris dans ce carnaval sans visage, entre les belles de nuit zélées qui portent le masque à ras et les anti, qui mascagnent pour le supporter, mais à toute occasion le masque harponnent.

Cependant l’humanité entière, pour affronter la menace de la pandémie, a perdu la face, dévisagée, défigurée, coupée en deux par ce masque chirurgical qui porte si bien son nom, qui souligne son regard mais barre son expression, qu’elle soit sourire ou moue.

Pensiez-vous que l’Homme n’aurait qu’une hâte, après s’être vu imposer une telle contrainte, de recouvrer au plus vite sa liberté de mouvement, d’exposition et d’expression ?

Eh non, hélas !  Perdu !

« Arc de Triomphe – wrapped – 1961-2021 » … sponsorisé par Uber Eats ou KFC ?

Quelle est une des premières initiatives artistiques qui germa dans ce monde d’après ? Au lieu de se précipiter pour enfin tomber le masque, ce qui, vous en conviendrez, avait tout d’une perspective emballante… une secte de joyeux drilles choisit de masquer la tombe – celle du Soldat qui était pourtant déjà inconnu – en empaquetant l’Arc de Triomphe du Champ de Mars. Mais qu’est-il donc passé par la tête de ce gang à Christo pour escamoter ainsi ce diamant dans sa gangue, au lieu de le laisser enfin briller au milieu de ses mille feux ? Certes, ils y ont mis le paquet – 14 millions d’euros pour bâcher l’édifice, on peut parler de masqu’arade monumentale – mais était-ce vraiment un cadeau à nous faire ?

Lorsque Christo avait imaginé d’emballer le Pont Neuf en 1985, l’idée au moins l’était aussi, mais là il devient décidément difficile de masquer l’absence d’originalité et d’imagination dans cette vulgaire répétition au goût de café froid, malgré ses 25.000 m2 de bâche, ses 3 kilomètres de corde déployés et les millions de messages panégyriques relayés sur les réseaux – que certains imaginent encore sociaux.

Je suis prêt à garder le masque le temps qu’il faudra pour protéger ma santé et celle de mes voisins, mais faut-il obligatoirement porter aux nues le fagotage indécent d’épouvantail des champs dans lequel on a enlisé ce joyau de la plus belle avenue du Monde ?

Fidèle à la promesse du Kfard Dchaîné, essayons de changer de perspective pour voir si c’est mieux, vu du ciel ? …
Décidément non, c’est raté d’où qu’on le regarde.

Il est ermite du Lot

Spéciale dédicace en ce 11 novembre pour T’ermite du Lot, que tous les Kfards Dchaînés embrassent bien chaudement, ce dont il risque d’avoir besoin…

Quand les foules grégaires se poussent du col

Pour empiler des lingots et sortir du Lot,

Lui ne rêve que de bivouaquer sur ce sol,

Et tailler sa route à bord de son Berlingo


S’il y en a qui ont pu le prendre pour un mouton

Ils risquent d’être surpris quand la rapière

De tonton Marcel fera sauter les bouchons :

Il envoie du pâté, et ça ne date pas d’hier !


Là où cet Attila débroussaille, crois-moi,

Plus rien ne repousse, même l’odeur de mazout

Il guette le phénix des hôtes de son bois,

Pour lui piquer le camembert du cass’croûte


Sur son île c’est la semaine des quatre jeudis

Robinson, même sans vendredi, s’est cru Zoé

Quel délice d’ouvrir une boîte de raviolis

Avant de s’allonger dans son arche de Noé


Même sans son briquet, les étoiles s’allument

La lune, chauve, sourit, tout comme le hibou

Pour accueillir l’aube dans ses draps de brume

Hans i’m schnockeloch est comblé dans son trou !

Il pleut à metaverses, comme vache qui pisse

Mais qu’est-ce donc dont il est question, ces métavers qui pullulent, se tortillent et se contorsionnent dans le terreau de la toile depuis des années, et que Facebook vient d’imposer en haut de l’affiche, avec sa décision de se rebaptiser… META, pour marquer son ambition d’imposer son propre métavers comme nouvel horizon des réseaux sociaux d’aujourd’hui ?

Mais qu’est-ce donc dont il est question, ces métavers (metaverse en anglais) qui pullulent, se tortillent et se contorsionnent dans le terreau de la toile depuis des années, et que Facebook vient d’imposer en haut de l’affiche, avec sa décision de se rebaptiser… META, pour marquer son ambition d’imposer son propre métavers comme nouvel horizon des réseaux sociaux d’aujourd’hui ?

L’idée est simple, voire simpliste : nous permettre de nous évader de la vraie vie perçue comme réellement compliquée, voire insatisfaisante pour la majorité d’entre nous, pour nous réfugier dans un métavers, un Deuxième Monde ou Univers virtuel, recréé sur un écran, une rétine ou directement dans notre cerveau, qui serait tellement plus satisfaisant.

Ready Player One ?

C’est ainsi que Steven Spielberg interpelait le spectateur pour son film de science-fiction fin 2017 (il y a seulement 4 ans, mais nous étions encore dans « le monde d’avant » !). L’OASIS, cet univers virtuel au cœur de l’intrigue, n’est-il qu’une  n-ième déclinaison de Matrix ? Ou est-ce déjà un œuf de métavers ou une larve de proto-métavers ?

Un casque et des gants qui donnent accès à un univers virtuel et des interactions infinis, même seul dans un container sordide… tout est là, dans « Ready Player One »

Cette soif d’un ailleurs est le propre de l’humanité, qui depuis la nuit des temps imagine, ouvre, crée des horizons et des univers inédits et multiples. Univers oniriques encouragés parfois par des pratiques chamaniques ou des substances psychotropes, croyances, mythes et religions, ballades de troubadours, littérature, théâtre, peinture, cinéma, parcs d’attraction, jeux de société, carnavals et bals masqués, ohé, ohé, autant de portes ouvertes sur des myriades d’univers parallèles qui déploient leurs ailes pour élever notre âme… ou parfois la perdre si on s’y égare.

Le développement et la sophistication des moyens et des médias qui nous ont progressivement donné accès à des territoires de plus en plus vastes en des périodes de temps de plus en plus courtes, a permis de multiplier les occasions d’emmêler différents univers.

Deux exemples particulièrement réussis à la fin du siècle dernier, que le Kfard vous recommande :

  • En 1988, dans le très inspiré « Qui veut la peau de Roger Rabbit », des personnages de dessin animé se fondent dans le monde réel, et inversement, des personnages réels investissent l’univers de dessin animé (la bande-annonce de 3 minutes est là : https://www.youtube.com/watch?v=7T_oQ3dxrAQ)
Contrairement aux apparences, Roger Rabbit était un chaud lapin !
  • En 1997, Marc Hollogne a monté une pièce de cinéma-théâtre bluffante, Marciel monte à Paris, où la scène, découpée en deux parties, voit passer l’acteur de l’écran de cinéma à la scène de théâtre dans une chorégraphie virevoltante. (jetez donc un coup d’oeil sur cette vidéo de présentation YouTube d’une dizaine de minutes : https://www.dailymotion.com/video/xsc5d8)
Une illustration de la scène alliant les univers du cinéma et du théâtre, que Marc Hollogne a magnifiquement mariés, en particulier dans son spectacle, « Marciel monte à Paris »

Les technologies digitales ont permis d’accélérer encore ce « mélange des mondes ».

En 1997 déjà, Canal + Multimédia et Cryo avaient imaginé un proto-métavers appelé le Deuxième Monde, et dont le remake américain (nommé… Second Life, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple) avait connu ensuite un large succès.

A émergé ensuite le concept de réalité augmentée, illustré à merveille par la folie du jeu « Pokemon Go » sorti en 2016, qui a amené des hordes de gamins à courir derrière leur portable pour débusquer des Pokemons « cachés » géolocalisés dans leur environnement réel… en se mettant parfois vraiment en danger pour « attraper » un spécimen rare, de l’autre côté de la route ou du ravin.

Mais l’ambition de Facebook (pardon, META) et consorts va désormais bien au-delà. Il s’agit maintenant ni plus ni moins que de retourner « la matrice » comme une chaussette, pour faire directement du Deuxième Monde qu’est leur métavers… le premier.

Pourquoi donc se coltiner la froide et banale « vraie vie » où il faut sortir les poubelles même quand il gèle et écouter poliment le voisin se vanter de ses succès professionnels alors que les huissiers sont à vos trousses, alors que votre meilleure vie est à portée de clic, dans la peau d’un avatar fantasmé, dans un décor de rêve, tel Jake Sully, le héros du film Avatar, paraplégique dont l’avatar séduit la princesse du peuple Na’vi de la planète Pandora et prend la tête de leur rébellion contre les exploiteurs capitalistes terriens sans scrupules.

En ouvrant la boîte de Pandora, il a joué l’avenir aux dés, Cameron ?

Vous vous rendez compte ? Plus besoin de se préoccuper du temps qu’il fait, de l’environnement dans lequel on se trouve, de la taille de son salon ou de son jardin, de son entourage, de sa garde-robe, de sa toilette, du réchauffement climatique, de la qualité des infrastructures de transport, de la politique ou des élections, de la lutte des classes,…

On pourrait se contenter de vivre chacun dans un container. Un casque de réalité virtuelle et une combinaison tactile, une connexion internet, et hop, nous projetterions notre avatar virtuel dans n’importe quelle partie de n’importe lequel de ces métavers… pour y croiser nos voisins, enfermés comme nous, chacun dans sa boîte, dans des pyramides de containers entassés tels des morceaux de sucre, qui forment une immense montagne (une Zuckerberg, en somme). Un univers dystopique déjà décrit par Jean-Michel Truong en 1999 dans son roman d’anticipation « Le Successeur de Pierre »… et dont nous avons tous fait l’expérience « en live » il y a quelques mois, c’était le temps du « confinement ».

Nos jeunes générations, elles, testent cette expérience de super-aventurier ultra-sédentaire depuis belle lurette, explorant continents, mondes et univers infinis sans quitter leur chambre et leur écran des yeux, dans les métavers des jeux en ligne comme Minecraft, World of Warcraft, Fortnite,…

Une scène de l’univers de jeu de World of Warcraft… ça n’aurait pas des airs d’Avatar, ou c’est moi qui m’égare ?

Des univers fantastiques où la faucheuse se retrouve au chômage, où les vies sont illimitées (tant qu’on a de quoi payer…), où on meurt comme on trébuche, et puis on se relève comme si de rien n’était, sans même avoir à épousseter ses vêtements ou éponger le sang qu’on a pourtant perdu à gros bouillons. Où les crimes les plus sauvages, les plus abjects, eux aussi, sont illimités, puisqu’ils ne prêtent pas à conséquence – n’en déplaise aux Dieux si désespérément rancuniers des religions du monde …euh, réel… enfin bon, vous voyez ce que je veux dire, non ?

Mais il n’y a pas que les enfants. Jusqu’aux plus puissants de ce monde se sont laissé séduire par la tentation grisante de fuir la réalité, pour revêtir le costume d’un avatar plus vrai – ou en tout cas plus souhaitable – que nature, dans un monde parallèle forcément plus favorable que le rude et cruel « original ».

Dans cet autre monde parallèle qu’il adore modeler à sa patte, son « Assassin’s Greed »[i] à lui, Donald Trump a gagné la dernière élection présidentielle haut la main, Melania l’a épousé par amour et il n’est pas le seul président américain depuis George Bush père à ne pas avoir été réélu !

Nous on a le « Petit Q », mais de l’autre côté de l’Atlantique, tout – vraiment tout – est plus grand…

Quoi, non ? Mais si, puisqu’il vous le dit ! Regardez donc les centaines de fanatiques de QAnon qui se sont agglutinés ces derniers jours à Dallas pour attendre l’apparition de… JFK et son fils John-John (JFK Junior), qui devaient révéler la supercherie de leur « fake mort » (il y a respectivement 58 et 21 ans, quand même ! S’ils reviennent vraiment ils pourront revendiquer le record Guinness de la partie de cache-cache la plus réussie !) et apporter leur soutien à Donald Trump. OK ils ne sont pas venus, mais ce n’est que partie remise, ce qui compte c’est qu’ils étaient des centaines à les attendre, et la prochaine fois, ils seront peut-être des centaines de milliers, et c’est ça la réalité qui compte (pour Trump) !

Dans Inception, de Christopher Nolan (2010), ces mondes alternatifs, parallèles, s’emboîtent comme des poupées gigognes de rêves de rêves de rêves de…  jusqu’à se perdre à ne plus savoir distinguer la terre de l’éther. Où est le fake, où est la news ? s’amusent ces joueurs de bonneteau révélés sur le tard.

« Mais je rêve, dans quel merdier suis-je allé me fourrer ? » pensait Leonardo Di Caprio. « Au moins ton pistolet n’est pas chargé à balles réelles », lui souffla Alec Baldwin, selon la rumeur.

Et ces torrents de métavers se faufilent et se tortillent déjà sous nos pieds, dévorant la terre que nous imaginions si ferme, sifflant tels des serpents sous nos têtes, se substituant aux pensées rationnelles et aux souvenirs que nous ne pouvons imaginer autrement qu’authentiques, s’entremêlant progressivement à tout ce qui est censé faire foi et loi en ce monde…

Ce monde… Lequel déjà ?

Vous voyez les gigantesques et monstrueux métavers des sables dans Dune, qui menacent de dévorer Timothée Chalamet tout cru telles des cougars en rut ?

Il a excellent appétit (et très bon goût) et il est loin d’être solitaire, le méta-vers sur écran géant de Dune

Et bien c’est une belle illustration du joyeux bordel qui nous attendrait dans un monde où des métavers GAFAMés se disputeraient les faveurs et le temps de cerveau disponible des foules, avides de fuir un quotidien désespérant sur une planète à l’agonie, pour se réfugier dans un rêve plus féérique que le papier glacé, plus peplumesque que la pellicule Kodachrome, plus narcissique qu’Instagram, TikTok et YouTube réunis.

Le fascinant et terrible Multivers de Métavers !

Les entendez-vous déjà, les aboyeurs de foire, se disputant les parts de voix, s’entredéchirant les parts de marché :

Oyez, oyez, braves damoiseaux, devenez le Roi dans mon META versatile  !

Soyez la Reine du Bal, c’est la promesse de notre métavers-tugadin !

The show must go on ! Soyez l’idole des jeunes dans mon Métavers balisé !

Devenez votre propre prophète, qui le métavers sait satanique !

Vous ne trouvez pas de case qui vous convienne ? Nous avons exactement ce qu’il vous faut, avec notre métavers-bicruciste !

Avez-vous vu le logo choisi par feu Facebook / META tout neuf ?  

 Comme le symbole de l’infini[ii]… tout un symbole ! Ou comme un ruban de Möbius, qui n’a qu’une face, pas de début et pas de fin, pas d’intérieur ou d’extérieur… un monde infini, mais finalement tellement recroquevillé sur lui-même ! Est-ce représentatif de ce que nous promettent les métavers, ou tout du moins de ce que Facebook entend nous proposer comme métavers ?

L’accès illimité au monde que nous a donné le progrès depuis quelques décennies, et qu’internet a extraordinairement accéléré ces dernières années nous promettait une prospérité inouïe ? Malheureusement il s’est mué en une avalanche d’informations dans laquelle nous étouffons et nous noyons au quotidien, traqués jusque dans nos toilettes par les algorithmes en quête de nos précieuses données personnelles qui sont le seul viatique qui nous reste. La Machine, à force d’apprendre, est déjà en train de nous voler l’intelligence pour la rendre, elle aussi, artificielle.

Un monde où la machine travaille pour l’homme, ou alors où l’homme nourrit la machine ? (image extraite du film « Les temps modernes », de Charlie Chaplin – 1936)

Les réseaux sociaux étaient le Graal annoncé d’une ouverture sociale et relationnelle incroyable, nous donnant la possibilité de rencontrer et de rester connecté avec nos âmes sœurs où qu’elles soient dans le monde ? Mais voilà qu’ils sont devenus le premier facteur de nos angoisses existentielles. Comment pourrions-nous échapper aux complexes en étant exposé en permanence aux sirènes d’Instagram qui font ressortir les moindres bourrelets de nos kilos en trop, au bling-bling étalé à la truelle plaquée or, à longueur de posts, par des gamins prépubères qui claquent en une après-midi de shopping la pile de fiches de paie de notre carrière entière ?  

Mais cette fois-ci, les métavers, c’est sûr, archi-sûr, méta-sûr, ça va être différent ! Ce sera enfin le paradis qui nous permettra d’oublier nos misères sur Terre.

Ça vous laisse rêveur, META-rêveur ?


Pattes de mouche du Kfard :

[i] « Assassin’s Creed » est un jeu vidéo de l’éditeur Ubisoft, qui développe des univers de type métavers à diverses époques et endroits de la planète au fur et à mesure de ses nouveaux opus. « Greed » signifie « avidité » en anglais, et semble particulièrement adapté pour décrire l’univers du personnage de Trump.

[ii] inventé en 1655 par le mathématicien John Wallis

Procrasti’Nation

Pourquoi s’prendre la tête aujourd’hui
Sur ce qui pourrait aussi bien attendre demain ?
Réforme des retraites ? Recalée sine die, décalée d’une seule traite !
Lutte contre le réchauffement climatique ? Tic tac, tic tac, report tactique

Pourquoi s’prendre la tête aujourd’hui

Sur ce qui pourrait aussi bien attendre demain ?

Réforme des retraites ? Recalée sine die, décalée d’une seule traite !

Lutte contre le réchauffement climatique ? Tic tac, tic tac, report tactique

Même les flammes rougeoyantes du brasier du grand soir

Se noient en gilets jaunes qui tournent, tournent en rond… point.

On remet tout, même le couvert et l’argenterie,

F*** l’étiquette, zéro espoir, rien que de la branlette

Mais hélas, les cocos, les bobos, les zozos, tous font carpette

– o –

A deux mains si vous le voulez bien

A demain si vous le voulez bien

On sert les Rois de la Procrasti’Nation

– o –

Des cars entiers de CRS, mais plus une thune pour le CNRS,

Y a trop de chercheurs, pas assez de trouveurs

C’est plus chill de faire des découverts que des découvertes

On creuse des trous, à la rafale d’Uzi ou avec les dents

Dans le bas de laine rongé par les mites

De nos arrières-arrières-petits-descendants

On remet tout, même le couvercle sur la marmite

Chapeau les artistes de la Bohème hyène,

Nous on serre les fesses, et les cordons de la bourse

– o –

A deux mains si vous le voulez bien

A demain si vous le voulez bien

On sert les Rois de la Procrasti’Nation

– o –

Plus j’accélère mon débit et plus je gagne votre crédit

Paradoxe, paradigme, pas raccord avec ton bull-dogme

J’m’en bas les … d’vous emballer, moi mon taf c’est de débiter

J’m’en bas les … d’en laisser dépités, moi mon taf c’est de crépiter

Alors on excuse tout, même les courants d’air des vélléitaires ?

F*** les branleurs, les boni-menteurs et les aumônes à cent balles,

Nous c’qu’on attend, c’est des lendemains qui chantent,

Des vaches qui rient et des cœurs qui s’emballent

Sur une planète devenue piste de danse… géante

– o –

A deux mains si vous le voulez bien

A demain si vous le voulez bien

Retrouvons le chemin de la Prédesti’Nation