Si on célèbre le bicentenaire de sa mort, à Napoléon Bonaparte, est-ce parce qu’on est tellement contents qu’il ait disparu de la surface de la planète ?
Il faut dire qu’il en aura creusé des cicatrices douloureuses et profondes du Sud au Nord et de l’Ouest à l’Est du pays et du continent. Il les a fait déborder de sang, peu importe qu’il soit impur ou glorieux, ce « boucher » de l’Europe qui fût si victorieux avant que son neveu Napoléon III, lui, ne soit capable que de rendre Victor si furieuxi.
Alors, maintenant que les médias ont saturé nos oreilles et nos écrans de son mythe, le Kfard Dchaîné se doit de rétablir « une vraie histoire » de l’authentique Napoléon, VSOP ou XO selon votre palais.
Le petit Corse teigneux est né et a grandi (ce qu’il a pu) dans l’étroite rue de la Mauvaise-Herbe à Ajaccio. C’est là qu’on a tout de suite compris qu’il avait la baraka, puisqu’il y est né bien avant l’invention du Roundup par Monsanto, ce qui lui a permis d’essaimer des repousses de sa famille et de sa progéniture sur tous les trônes d’Europe avant que les jardiniers des plus grandes Cours et Nations trouvent la parade pour maîtriser ce lierre particulièrement vorace et envahissant, et parviennent à l’isoler sur Sainte-Hélène, un caillou au milieu de l’Océan Atlantique. S’il tourna rapidement le dos à sa Corse natale, c’est probablement parce qu’il souffrait d’énurésie : comment expliquer sinon qu’il ait fui, même Paoli, et qu’il se soit rabattu sur un continent ?

« L’avenir d’un enfant est l’œuvre de sa mère », disait ce fils à Letizia. Mais la mer n’a jamais voulu de lui. Recalé de la Marine, il devra se rabattre sur l’Artillerie, dans laquelle il sera finalement bombardé officier. Un reproche qu’on ne pourra pas lui faire, c’est d’avoir été un tyran d’eau, lui qui se prendra une rouste à chaque fois qu’il y risquera un orteil, fût-ce dans une rivière. Outre-Guadalquivir, il se prend un coup de Trafalgar. Outre-Méditerranée, là non plus il ne peut Aboukir à ses fins. Outre-Quiévrain, c’est un autre coup de butte que la perfide Albion lui réserve, à Waterloo.
Et Outre-Atlantique, il eut beau se payer Toussaint Louverture, son beau-frère Leclerc obscurcit bientôt son horizon au soleil couchant, en abandonnant Saint-Domingue aux Haïtiens qui refusaient obstinément de redevenir esclaves, ces trouble-faîte ii! Quelle outrecuidance ! Quant à son aventure outre-Bérézina, n’en parlons pas. Cette obscure et glaciale rivière russe serait restée dans l’anonymat, si Napoléon ne l’avait pas éclairée des ors de son épopée romanesque et des flots de sang des inlassables marcheurs (déjà lui, bien avant Manu 1e !) de son armée défaite.
Ce « bourreau de travail » qui était capable de diriger ses troupes pour enchaîner les victoires en infériorité numérique et « en même temps » (encore lui, encore bien avant Manu 1e !) dicter le Code Civil qui sert encore de référence au cadre juridique du pays, inventer le franc, les préfets, les lycées ou la Légion d’Honneur a pris son temps avant de faire son coming-out de workaholic. Entre novembre 1785, sa première affectation en tant qu’officier au régiment d’artillerie de la Fère et décembre 1791, il sera en congés 40 mois, soit 54% de ces presque 7 années ! Ça lui aura laissé un peu de loisirs pour lire, écrire et rêver à son grandiose destin à venir, la télé-réalité ne permettant pas encore à cette époque à des adolescents oisifs de devenir riches et célèbres avant d’avoir vécu.

Il prétend avoir conquis l’Europe ? Mais cette fable ne résiste pas à une analyse factuelle et basique… d’un plan de Paris. Prenez les plus grandes batailles qu’il se targue d’avoir remportées dans le vaste monde : Arcole, Rivoli, Pyramides, Marengo, Ulm, Austerlitz, Iena, Eylau, Friedland, Wagram… ce Tartarin de Tarascon a passé son temps à faire la nouba en promenant sa tente à travers les quartiers les plus huppés de la capitale, entouré par ses Maréchaux qui lui faisaient un boulevard, et n’a jamais mis un pied au-delà du périph ! Sous cet angle on comprend mieux sa citation : « On ne va pas chercher une épaulette sur un champ de bataille quand on peut l’avoir dans une antichambre. ». A côté d’un tel Aigle Impérial, le moindre équipier de la BAC est un Condor des Andes, après quelques descentes à Saint-Denis, Sarcelles ou Clichy-sous-Bois.
Visionnaire il fallait l’être, sans doute, pour rétablir l’esclavage en 1802 dans les Antilles, puis vendre la Louisiane en avril 1803, ce vaste territoire stérile et infesté de moustiques et d’alligators, qui n’avait aucun potentiel. La belle affaire de tomber sur un pigeon comme les tous jeunes et naïfs Etats-Unis, prêts à payer 80 millions de francs pour ce marécage nauséabond… Précurseur aussi, donc, parmi les magnats de l’immobilier appelés à bâtir et défaire des fortunes et se forger un destin politique hors du commun, bien avant Donald Trump ou Stéphane Plaza (dernier dans la lignée des Bon’Appart vendus ou à louer).
A suivre…

Pattes de mouche du Kfard :
i Un recueil de poèmes satiriques de Victor Hugo, Les Châtiments, est consacré entièrement à discréditer et renverser le régime de Louis-Napoléon Bonaparte (Napoléon III), auquel il voue une fureur vengeresse et un mépris sans bornes. Il s’est exilé en Angleterre suite au coup d’Etat qui a amené ce dernier au pouvoir, le 2 décembre 1851.
ii Napoléon a envoyé son beau-frère, le Général Leclerc, avec une troupe de 20.000 hommes, pour prendre le contrôle militaire de la colonie de Saint-Domingue, qui avait des vélléités d’autonomie sous la houlette du Général Toussaint Louverture, gouverneur général au nom de la France, soupçonné de connivence avec les Etats-Unis. Mais malgré la capture et la déportation de Toussaint Louverture, et des renforts supplémentaires de 20.000 hommes, son armée finit par être décimée par la fièvre jaune et l’insurrection suite au rétablissement annoncé de l’esclavage. Le général Dessalines finit par pousser les débris de l’armée française restante après la mort de Leclerc lui-même à la reddition, et par proclamer l’indépendance de l’ancienne colonie sous son ancien nom indien d’Haïti.