Vous aviez tremblé pour « la chute du Faucon Noir »[i] à Mogadiscio ? Alors vous allez adorer ce sequel (ou cette séquelle ?), dans lequel c’en est un vrai qui, empêtré dans ses grandes ailes de première puissance mondiale, essaie péniblement de s’envoler depuis l’aéroport assiégé de Kaboul. Il claudique péniblement dans ses rangers trop grandes pour lui, tel un albatros sur le pont de ce qui a tout l’air d’une galère ou pire, d’un radeau de la méduse ! Acculé dans une souricière, assiégé par des foules affolées et désespérées au point de s’agripper aux roues des avions en train de décoller[ii], voilà l’Aigle jadis impérial au tapis, volant des permissions de sortie et des droits de passage aux factions islamistes, incapable de s’arracher à la poussière pour mettre ses petits et ses œufs à l’abri des nuisibles qui faisaient son petit-déjeuner d’ordinaire.
Souvent, pour s’amuser, les talibans de passage
Prennent des amerloques, vastes oiseux des mers,
Qui suivent, insolents accapareurs du paysage,
L’empire s’imposant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils acculés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avions traîner à côté d’eux.
Ce colonisateur zélé, comme il est gauche et veule !
Lui qui portait si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui frimait !
L’Américain est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit du mortier ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de décamper[iii]
Et pendant ce temps-là, les talibans, tranquillement, observent et prennent des notes sur leur tableau noir, tantôt se pavanant dans le bureau déserté de la présidence, tantôt rassurant sur leurs intentions, et distribuant des bonbons à profusion : promesses de clémence et d’ouverture à ceux qui les ont combattu, concessions à toutes les composantes de la société pas encore barbues ou voilées (surtout, ne suivez pas mon regard, ce serait outrageusement, furieusement impie !), tolérance pour laisser s’échapper les piteux « occupants occidentaux », la queue entre les jambes. Une poigne de fer dans un Afghan de velours, vous dis-je.
Ils ne sont pas pressés, ils ont tout le temps de savourer leur victoire jusqu’à l’aube. Ils peuvent festoyer toute la nuit dans laquelle ils s’apprêtent à replonger le pays qu’ils ont fermement reconquis, une nouvelle fois, après avoir terrassé et mis KO un nouvel Empire trop prétentieux, après le Britannique et le Soviétique. Il sera toujours temps de distribuer les bons poings et l’arrêt qu’on pense, à ceux qui les auront mérités, quand le rideau sera retombé après le coup de projecteur médiatique actuel. On sait bien que l’attention des médias internationaux dépasse rarement quelques jours quelle que soit la gravité du sujet, surtout s’il n’a rien à voir avec le sport !
Les faits sont têtus, c’est la défaite des pro-fête au profit de ces prosélytistes du prophète.
Chouette, c’est la rentrée !
Sortez vos gommes et vos marqueurs, barbants barbons barbus, pour barbouiller / effacer les visages souriants des reines de beauté qui, sur les affiches et les vitrines, vantaient les bienfaits de telle crème cosmétique, tel mascara ou tel bijou. Et ce n’est pas grave si vous dépassez du trait, l’essentiel c’est de bien remplir, masquer de noir chaque parcelle de cette peau de chagrin, pour la grillager définitivement derrière la burqa.
Bonne nouvelle, meilleure encore qu’une prime de rentrée ! Plus besoin d’acheter tout ça, tout simplement. Vous pouvez rester chez vous, chanceuses petites Afghanes, éviter la poussière et la chaleur insoutenable des rues, des places et des préaux, confortablement lovées dans votre burqa intégrale, sur votre tapis des mille et une nuits, dans l’accueillante et rassurante maison de votre mari, de votre frère ou de votre père.
Chouette, c’est la rentrée !
Alignez-vous en rang par deux (en co-rang, en somme) dans la cour des mollahs et arrêtez cette cohue désordonnée sur la route de l’aéroport ! Ne vous plaignez pas si d’aventure vous vous écorchiez les genoux ou attrapiez quelque coup de crosse dans ces stupides bousculades ! Vous me copierez 100 fois : « Allah est grand, Allah est miséricordieux… mais prend garde tout de même à ne pas tester ses limites ! ». Car il n’est pas plus ultracrépidarien qu’un Dieu de religion monothéiste, croyez-en moi (et voilà, à peine j’évoque le sujet que je m’y vois : cet invariant est décidément très contagieux !).
Allez, les premiers rangs de la chorale, mettez-vous à la queue-leu-leu et entonnez tous en chœur : « Hallal, Allah, Allah, hallal la ! ». Plus fort, Malala[iv], articule, je ne t’entends pas derrière ton grillage et les salves de Kalachnikov de l’orchestre de tes camarades !
Voilà 2000 ans que Jésus-Christ et ne cesse de crier, que des armées de prêtres, de moines, d’évêques et de cardinaux nous assènent les points sur les i et la règle sur les doigts, nous font réciter nos bénédicités, réviser nos évangiles et le B-A BA de l’abbé. Et pourtant, en dépit de refontes de programmes innombrables, des réformes calvinistes et luthériennes, Vatican 1, et 2, et 3 zéro, urbi et orbi et tutti quanti, les chrétiens bien-pensants et toujours prompts à donner des leçons ont été aux premiers rangs des horreurs commises durant les deux guerres mondiales du 20e siècle. Alors ne nous offusquons pas que certains disciples de Mahomet – une minorité de cancres – aient encore du mal à comprendre et s’approprier son message de paix, d’amour et de fraternité, sachant qu’ils ont eu, eux, moins de 15 siècles depuis la révélation de ses 114 sourates et 6236 versets, pour les assimiler.
Pourtant il en aura fallu, de la patience de bataillons de pacificateurs pour leur inculquer les rudiments des bienfaits de la torture et de la pénitence. Ils en auront eu des leçons de tact et de finesse de la part des dignes héritiers des empires coloniaux, maîtrisant la subtilité comme un roi belge au Congo, l’empathie comme un conquistador espagnol au Pérou, l’ouverture culturelle comme une tunique bleue qui aura su adopter avec enthousiasme la coutume locale du scalp. Ils avaient même pris la peine de tracer des belles frontières avec un compas et une règle, pour faire des jolies mappemondes de couleur, en mettant un peu d’ordre dans le tortueux et subtil embrouillamini préexistant de peuples, cultures, tribus, et traditions, totalement incompréhensible pour qui ne serait pas érudit ou autochtone : osons le dire, c’était n’importe nawak ! « Parce que t’as Liban et Taliban, et il paraît que ça n’a rien à voir », me rappelait encore récemment Roger au Café du Commerce.
Et c’est comme ça qu’ils remercient leurs « sauveurs », ces ingrats irréductibles ? C’est pas juste, c’est pas correct, c’est limite Pakistan, c’est même carrément Pachtoune[v] !
C’est donc ainsi, Allah, qu’ça s’barre ?
Les pattes de mouche du Kfard :
[i] « La chute du faucon noir » (Black Hawk Down) est un film américano-britannique de 2001 réalisé par Ridley Scott, inspiré d’un livre de Mark Bowden, qui relate les combats de Mogadiscio des 3 et 4 octobre 1993.
[ii] Zaki Anwari, jeune espoir afghan du football de 19 ans, est mort le 19 août d’une chute mortelle après avoir tenté de s’agripper à un avion américain qui décollait de l’aéroport de Kaboul.
[iii] Librement adapté du poème « L’Albatros » de Charles Baudelaire
[iv] Malala Yousafzai, militante pakistanaise (et pachtoune) des droits des femmes, prix Nobel de la Paix 2014
[v] Les Pachtounes sont un des principaux peuples d’Afghanistan. Ils ont participé à la fondation de l’Afghanistan moderne au 18e siècle et lui ont donné son nom, « afghan » étant un synonyme de Pachtoune. Ils sont 3 fois plus nombreux encore au Pakistan (plus de 35 millions), où ils ne représentent cependant que 20% de la population du pays.
Bravo pour cet Article Grand Kfard *****
Je mets 5 étoiles bien sûr
A corriger sur mon évaluation que je peux pas modifier ?
Dur Dur pour les Afghans
Vous reprendrez bien un peu de Talibans…
L’histoire ne leur fait pas de cadeau mais il y a la mémoire du courageux commandant Massoud et ceux qui veulent continuer son combat…
Courage au peuple Afghan
Tu m’impressionnes,grand Kfard,à te déchaîner si vite et avec tant de talent sur une actualité si sombre dont il faut impérativement parler en toute liberté,comme ici. Bravo et merci pour ces saines productions.
Merci de ta fidélité, l’Intemporelle de Jouy, y compris au coeur de l’été (et cette année c’est d’autant plus méritoire, l’été ayant duré en gros du 15 août au 16 à midi ;-(.)
Salam Aleykoum