Une sardine a bouché le canal… ça fait Suez !

Il est frais, il est frais mon porte-conteneur ! « One pound fish & ship ! » Si vous cherchez la marée du jour, vous êtes à bon port ! Sinon, je vous arête. Et aujourd’hui les petits Kfards gourmands, à votre tour de contribuer au buffet (Cf. le dessert, à la fin de l’article).

Quel jour sommes-nous aujourd’hui ? Le 1e avril évidemment ; cette semaine le jour du Poisson c’est jeudi !

Mais comment est-il encore possible de croire à un canular à notre époque ?

Au 21ei siècle, nous avons enfin pris le contrôle total de notre destin !

Des avions, des trains, des bateaux, des camions quadrillent le globe dans tous les sens dans un bourdonnement incessant pour gaver les reines et les rois du shopping de leur miel et gelée royale préférés.

Nous avons rempli notre ciel de troupeaux de cumulonimbusii d’algorithmes et d’intelligences artificielles qui nous permettent de prédire quelle goutte de pluie tombera où et quand, et de concevoir les médicaments qui guérissent les maladies les plus rares.

Des robots et des imprimantes 3D nous permettent de créer et modeler des mondes sur mesure, à volonté.

Nos réseaux sans fil ont tissé autour de nous une toile si dense que pas un imprévu ne peut s’approcher de nous à moins d’un kilomètre sans déclencher une batterie d’alarmes et de « pop-ups » sur notre smartphone.

Qu’un papillon agite ses ailes à l’autre bout du monde, et aussitôt la vidéo en direct s’affiche sur notre fil d’infos.

Tout est sous contrôle, partout, 24/7iii, circulez on a tout vu !

Alors franchement, une histoire de sardine qui bouche le port de Marseille, ça ne peut décemment plus faire marcher personne ! Même les gamins qui croient encore au Père Noël ou au suffrage universel, ne gobent plus ces fariboles !

C’est strictement impossible, ça dépasse l’entendement ? Et pourtant il faut bien l’entendre !

Il suffit parfois d’un tout petit grain de sable dans l’engrenage, et la sardine peut bel et bien finir par le boucher, le port, même dans notre 21e siècle 3.0, hyper-technologique et méta-contrôlé !

Certes la dernière sardine en question, qui s’est échouée en travers du canal de Suez, est un porte-conteneur qui fait 400 mètres de long et 59 de large, transportant jusqu’à 22.000 conteneurs. C’est un sacré baleineau, ce Moby Dick des temps modernes (qui s’appelle Ever Given – « jamais donné »), mais à lui tout seul, en bouchant le canal le plus fréquenté au monde, il a bloqué bien plus que le port de Marseille ! Ce canal de 300 mètres de large draine en effet tout le trafic maritime entre l’Asie et l’Europe, représentant à lui seul près de 12% du commerce mondial avec un trafic de 50 bateaux par jour. Son blocage oblige les navires (soit près de 400 sur la semaine qu’a duré sa remise à flot) à contourner l’Afrique, soit un détour de 9000 km et 10 jours !

L’Ever Given est un bateau battant pavillon panaméen, appartenant à un armateur japonais, affrêté par un exploitant taïwanais et géré techniquement depuis Hong-Kong par une société… allemande. Jusque là, c’est limpide, non ? Il se rendait de Yantian, en Chine, à Rotterdam aux Pays-Bas, avant de s’enliser dans le sable en Egypte, de paralyser la planète, et de faire grimper les cours du pétrole de 6% en une journée.

Les chaînes d’approvisionnement (supply chains) à la base de nos sociétés et de nos vies ont beau être tentaculaires, mondialisées, sophistiquées et optimisées comme jamais, elles restent à la merci d’une sardine qui rencontre un grain de sable quelque part en Egypte !

Ils en avaient sans doute rigolé, eux aussi, de ces histoires à dormir debout, et ils auraient tellement aimé que ce soit un canular de 1e avril, ce caprice du destin complètement improbable qui leur est tombé soudainement sur la tête, les 5 enfants de Bretagne du chalutier Bugaled Breizhiv qui le 15 janvier 2004, avaient pris un si gros poisson dans leur filet qu’il a emporté leur bateau par le fond en quelques dizaines de secondes !

A quoi ça tient !

Des documents déclassifiés du Département Américain de l’Energie viennent de révéler qu’une solution à notre problème d’aujourd’hui – ce goulot d’étranglement du canal de Suez – avait été envisagée dès 1963. Il suffisait de creuser un autre canal pour « doubler » celui de Suez, avec une technique radicale, à l’efficacité inégalable : 520 bombes nucléaires lâchées en chapelet à travers Israël et le désert du Néguev…Et hop, il ne reste qu’à découper selon les pointillés ! Il aurait suffi qu’à cette époque le bouton nucléaire ait été laissé entre les mains d’un canard ou d’un autre Donald quelconque, et on aurait eu une solution au problème d’aujourd’hui… mais peut-être que nous ne serions plus là pour la voir (la solution) et l’avoir (le problème). On l’a échappé belle !

Mais aujourd’hui, qu’est-ce qui amène notre monde au bord du précipice ? (ah, vous voyez bien qu’elle est plate, qu’est-ce que je vous disais?) Une apocalypse nucléaire ? Une météorite géante digne d’Armaggedon ? Et non, dans notre nouvelle ère post-moderne, même les catastrophes mondialisées sont low-cost.

Un canard qui appelle les oies à envahir le Capitole, un pangolin qui éternue dans un marché au fin fond de la Chine, un papillon qui bat des ailes je ne sais où, vous avouerez que ça n’a pas la même classe !

Et je n’ose imaginer l’exaspérante banalité que vont révéler les boîtes noires du Ever Given avec l’enregistrement de la dernière conversation dans la cabine de pilotage ! Du genre :

  • Mais si je te dis, c’est toujours tout droit pendant 200 km, c’est le moment ou jamais de se revoir l’intégrale de « Very Bad Trip » ;
  • «Perte de réseau, veuillez réinitialiser votre GPS… perte de réseau, veuillez réinitialiser votre GPS… » ;
  • Alors comme ça, après le commandement du Costa Concordia, t’as pris un congé sabbatique avant de retrouver ce job ? ;
  • Combien tu paries que je te fais un créneau les yeux fermés ? Tempête de sable ou pas, moussaillon, une manœuvre ça se fait à l’oreille, prends-en de la graine !

Alors aujourd’hui, tout est permis, donnez-vous en à cœur joie avec vos Poissons d’Avril… Mais si vous voulez être crédibles, trouvez des histoires moins tirées par les cheveux que celles que le destin nous sert tous les autres jours de l’année.

Une histoire de sardine qui bloque Marseille, pas plus qu’un bateau (ou mieux encore, une grippette) qui bloque le monde, ça ne tient pas debout !

– O –

Et aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, à vous de jouer, les Kfards Dchaînés. Il n’y a pas de raison que ce soit toujours le Grand Kfard Naüm qui s’y colle !

Prenez votre plume et proposez votre « vraie et authentique » version de la dernière conversation dans la cabine de pilotage du Ever Given. Envoyez-la à la rédaction du Kfard Dchaîné dans un commentaire de l’article.

La plus hilarante sera publiée la semaine prochaine, foi de Kfard.

Cette image à très haute résolution du satellite Pléiades montre le porte-conteneurs Ever Given, affrété par Evergreen, échoué et bloquant le canal de Suez. Il est entouré de remorqueurs et de dragueurs qui tentent tant bien que mal de le dégager. Cette image Pléiades a été acquise depuis une altitude de 694 kilomètres avec une résolution de 70 centimètres et ré-échantillonnée à 50 centimètres. Tous les détails chiffrés sur la fauchée et les longueurs d’onde sont dans le visible et le proche infrarouge. Elle a été acquise jeudi matin, à 09:43:33, heure locale, avec un angle de 49°, ce qui permet notamment d’avoir le côté du bateau aussi clairement visible. © Cnes 2021, Distribution Airbus DS 

Pattes de mouche du Kfard :

i Eh oui, fini le XXI, à notre époque technologique et digitale on ne peut plus décemment garder des chiffres hérités de qui donc ? .. des Romains ? Quoi ! Ces bouseux qui buvaient du lait de louve et semaient des cailloux tout autour de la Méditerranée pour retrouver le chemin de Rome ?

ii C’est le fameux « cloud »

iii 24 heures sur 24, 7 jours sur 7

iv Bugaled Breizh signifie « Enfants de Bretagne », en language Breton du Pays de Bretagne

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Doryphore
Doryphore
3 années il y a

Oui, Capitaine, j’accélère, je sais que d’autre navires attendent devant le canal,
Oui Capitaine je fais au plus vite, mais ce navire est un des plus gros, il me faut du temps,
Oui, Capitaine laissez-moi le temps de me retourner…
Allo Capitaine ? Je crois que nous sommes en travers…

Dernière modification le 3 années il y a par Grand Kfard Naüm
6Krmagnole
6Krmagnole
3 années il y a

L’Ever Given se la coule douce sur le canal, à mi-distance des berges bergères. De part et d’autre bronze le désert sans fin – non sans soif.
Le pilote se tient négligemment à la barre. Ses paupières descendent. Ses trois femmes passent dans le souvenir, encore, sans corps – en niqab noir. Les paupières remontent, le regard cherche sur la rive l’i vert d’un palmier dans le feu du désert… Soudain arrive, plonge, dérive vers le milieu du canal, incroyable, un corps hors du maillot, le sein haut ô… 70 femmes attendent chaque musulman au paradis, mais à elle seule elle-ci est le paradis !
Instinctivement, les yeux rivés sur le miracle, le pilote oriente vers le bord opposé son bateau… qui heurte la rive, se bloque, tourne.
Le canal barré, nul ne connaîtra la suite !

« La vie est trop courte pour la gaspiller, alors
carpe diem « 

Coccinelle Rebelle
Coccinelle Rebelle
3 années il y a

Constatant la bêtise sans fond des humains, Moby Dick est allé noyer son chagrin dans des eaux moins bouchonnées..

Irisée
Irisée
3 années il y a

Mon explication de  » l’incident « …
Plutôt que de croire au grain de sable OGM et égyptien qui aurait bouché le canal,

ou à la très lascive sirène sorcière ayant tant fasciné, envouté les pilotes avec son charme lesquels conséquemment auraient perdu tout contrôle des manettes et autres,
songez plutôt, amis, que nous sommes en période pascale….

Je pense que Moïse -ou son hologramme s’il est Mélenchoniste – a voulu rééditer son exploit et traverser la Mer en marchant sur les eaux !
Nulle escorte policière ne s’étant risquée à l’encadrer ,nos béotiens pilotes , tirés de leur sieste , ont pilé devant ce Marcheur auréolé , inspiré , adoubé certes mais néanmoins intempestif et bien imprudent .
Vous avez tous expérimenté ce qu’il advient quand on freine trop tard : la barre d’immeuble flottante n’a pas pu se coucher comme le Costa mais tout de même le Canal l’avait en travers de la gorge !

Bon , si mon hypothèse ne vous a pas entièrement convaincus, vous pouvez au moins la classer dans le tiroir « théologoumènes « * et vous êtes sûrs de gagner au scrabble , c’est déjà ça .

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