Le coup de la panne

Ah ils étaient remontés comme des pendules, nos petits camarades de jeu d’Outre Quiévrain ! Finies les mélopées de l’amour Courtois en-Namuré, les Gands de velours, les Manneken peace & love, ça fait belle lurette qu’ils ne sont plus bleus des Bleus !

Ah ils étaient remontés comme des pendules, nos petits camarades de jeu d’Outre Quiévrain ! Finies les mélopées de l’amour Courtois en-Namuré, les Gands de velours, les Manneken peace & love, ça fait belle lurette qu’ils ne sont plus bleus[i] des Bleus ! Les troubadours avaient manifestement un œuf à peler avec eux[ii], et ont opté d’emblée pour le ga-Bruges, sorti les mitraillettes[iii] et les pistolets[iv], après leur douloureuse élimination en demi-finale de la dernière Coupe du Monde, qui leur restait sur l’estomac depuis 3 ans.

Ils sont tellement émouvants, ces revanchards diables rouges de fierté ! Tenez, ils me rappellent la génération Platini, cette « génération dorée » du football français qui nous a tant fait rêver en développant un jeu si enthousiasmant, si rafraîchissant… mais qui s’est échouée avec la régularité de la marée sur les rochers durs et implacables du « réalisme » des forteresses brésiliennes, italiennes ou allemandes à chaque compétition majeure.

Ceux qui l’ont vécue à l’époque, ou ceux qui ont lu l’article du Kfard en juillet dernier (L’enfer de la 11-topie), vous ne trouvez pas dans le scénario du match de mercredi soir un furieux relent de cette fameuse demi-finale du Mondial 1982 ? Sauf que là, l’équipe de France était dans les crampons de l’Allemagne de 1982, et ce sont nos malheureux amis belges qui portaient l’écusson trop pesant et le maillot trop flottant de la bande à Platoche…

Il était fort touchant, l’éclat de joie de gamin de Lukaku ! Qu’elle était crâneuse sa provocation – à travers l’œil de la caméra à l’angle du terrain – aux millions de Dikkenek[v] qui ont toujours regardé de si haut leurs cousins du plat pays, quand il a planté Lucas Hernandez sur place et crucifié Lloris d’une patate X-Ixelles à bout portant.  Avec un deuxième but en moins de 4 minutes, il avait bon[vi] alors qu’il enfonçait le clou dans le cercueil de leurs ex-bourreaux, leur disant quoi[vii] et les laissant cois, pour tuer le match juste avant la mi-temps.

L’ambiance dans les vestiaires a dû être aussi électrique que dans certaines ruelles sombres de Molenbeek, ou sur le trône de 6,7 millions de foyers français – selon l’audimat. Combien ont pleuré leur race, menacé de rendre leur passeport, demandé la tête à Dédé, exigé de rappeler Olivier Giroud, de ressusciter Bernard Tapie, de renvoyer les frères Hernandez au séminaire, ou de soumettre le Hazard à des jeux pas très catholiques (quoique, d’après le rapport Sauvé….) en stoumelinks[viii].

P.S. : je compte sur toi, petit Kfard, pour partager ta propre saute d’humeur ou d’humour. Je suis convaincu que tu as été aussi passionné et imaginatif que tes compatriotes.

On ne va pas se raconter de carabistouilles[ix], nous sommes revenus nous vautrer dans le canapé pour la deuxième mi-temps la tête basse, en traînant les jambes ! Ces diables rouges avaient réveillé nos vieux démons, qui allaient vicieusement nous picorer le foie par petites bouchées pour nous torturer encore pendant 45 longues minutes, à chaque surgissement de Lukaku, chaque champ libre laissé au Hazard, chaque feinte de frappe de ce (presque) batave de De Bruyne… Oh non, surtout pas le « 1, et 2 et 3 zéro » que nous avons si insolemment asséné nous-mêmes, jadis, à nos idoles brésiliennes… le supplice serait inhumain, la mise en bière consommée.

Et voilà qu’en 2e mi-temps ils nous font le coup de la Panne ! Comme si, se croyant confortablement à l’abri derrière leurs deux superbes réalisations en première période – dans une arrogance empruntée à leurs contempteurs hexagonaux – ils faisaient leur nez[x] et s’étaient soudain assoupis sur une terrasse chauffée au gaz (un Berck b’en zen, en somme) bordant cette immense plage à perte de vue de la Panne : après tout, avec 2 buts d’avance, « ça peut mal »[xi] ! Et voilà que le gratin des chicons se met à ployer sous la drache[xii] des vagues à lames successives des Bleus, qui avaient soudain retrouvé la frite et la baraka dans le jardin d’Eden, et étaient redevenus conquérants. Benzema, après avoir joué avec les pieds de quatre défenseurs, envoie une dentelle au fond des filets, et 5 minutes plus tard Griezmann obtient un penalty, c’est tout ce Kilian faut pour le transformer. Le tapis vert se retrouve à l’Anvers, et le rugissant Lion de Waterloo est réduit en volaille pataugeant dans le Waterzooi.

Il a fallu s’y faire (et de un!), avec des diables on s’attend (et de deux !) forcément à des Mons (et de trois !) et merveilles, et en effet Lukaku, le petit malin (et de quatre !), jaillit encore de sa boîte et, pendant un instant, marque les esprits… avant que, coup de théâtre même sans Molière, la VAR ne le mette hors-jeu et en rote[xiii], et lui vole son magot.

Les bleus, en fusion, ne laissent alors aucun répit à leurs valeureux mais néanmoins malheureux adversaires, et les dévorent en croque-en-Witsel. Théo Hernandez, le bizuth du jour, dans la dernière minute du temps réglementaire, décoche un boulet de canon qui fait exploser le bouchon de Liège et transperce le front de nos frères d’Ardennes et le cœur de tous ces hommes, flamands roses et wallons verdoyants pour une fois encore réunis au charbon dans la même mine sombre, renvoyés aux stands, dans les choux de Bruxelles, terrassés jusqu’au Knokke-Zoute !

Depuis des décennies que les anglo-saxons osent les narguer en appelant leurs sacro-saintes frites belges « French fries », ils mordaient sur leur chique[xiv]. Mais là, Tintin, je crois qu’on les a fâchés pour de bon, mille milliards de mille sabords ! D’ici à ce qu’ils rappellent leur Ambassadeur à Paris à Bruxelles, ou bien pire encore, massent leurs blindés (si, si, tous les trois d’un coup !) à la frontière…

Mais que voulez-vous, il faudra bien qu’ils admettent – une fois au moins – qu’il leur restera toujours un fossé à franchir pour espérer approcher le génie français d’un… je ne sais pas moi, au hasard : un Jacques Brel, une Annie Cordy, un Raymond Devos, une Marguerite Yourcenar, un Philippe Gelück ou une Christine Ockrent !

Allez, tantôt on enfile notre habit de lumière (deux étoiles !) pour donner une leçon de corrida à nos voisins d’Ibère-Nation… en toute humilité bien sûr, vous pouvez compter sur nous !  

C’est dur d’être Champion du Monde, et modeste en plus, sans s’attirer la jalousie de tous ces envieux !

Olé !

Pattes de mouche du Kfard :

[i] Être bleu de quelqu’un (locution verbale belge) : être épris, amoureux de quelqu’un

[ii] Avoir un œuf à peler avec quelqu’un : avoir des comptes à régler avec quelqu’un

[iii] Mitraillette : sandwich de pain avec frites et viande

[iv] Pistolet : sandwich préparé dans un petit pain rond… quand je vous dis qu’ils ont des leçons à donner aux épicuriens…

[v] Dikkenek : vantard, arrogant

[vi] Avoir bon : avoir du plaisir, être bien

[vii] Dire quoi : dire ce qu’il en est (« je te sonne et je te dis quoi » : je t’appelle pour te dire ce qu’il en est)

[viii] En stoumelinks : en douce, en catimini, de façon discrète

[ix] Carabistouilles : balivernes, calembredaines

[x] Faire son nez : être prétentieux, se montrer arrogant

[xi] Ça peut mal : il n’y à a pas de danger, cela ne risque rien

[xii] Drache : pluie à verse

[xiii] Être en rote : être en colère, de très mauvaise humeur

[xiv] Mordre sur sa chique : se contenir, dissimuler ses sentiments (de colère, de chagrin)

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6Krmagnole
6Krmagnole
Répondre à  Grand Kfard Naüm
3 années il y a

   Ah je ne regrette pas de ne pas m’intéresser au foot ! J’en arriverais sans doute à pleurer parfois ma race ! Et Bernard – tapie où ?- (qui doit quelque 400 millions à l’ Etat ). Et à aimer les diables moi aussi…(Je vote à toutes les élections nationales ). Pardonnez-moi Mon Dieu, Allah et Con pagnie (non, ne te sens pas visé Florent !) 
   Mais dans quel monde nous vivons ! chanterait mon pote le troubadour Ramon Jordan !

   « Le Hazard a des jeux pas très catholiques  » dis-tu GrandKaf. Pourtant il m’a fait servir la messe dans la Paix de Jésus, Marie et tous les saints y compris Sainte Barbe, auprès d’autorités en soutane qui étaient des Saintes Nitouche

A propos de foot, je parle comme quelqu’un « en panne » cérébrale . Tu m’apprendras les subtilités de ce Sport mondial… mais je pense que je n’y verrai que du bleu…

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