Le Grand Timonier de l’Empire du Milieu est bilieux. Parce qu’être le centre du Monde vous expose forcément de tous côtés, et qu’il y a bien longtemps que la Grande Muraille n’est plus étanche !
On le sent crispé, le Xi, manifestement plus inspiré de Mao, avec ses « le pouvoir est au bout du fusil » et « il est plus utile de tuer des moustiques que de faire l’amour » (eh oui, un vrai boute-en-train !), que par Confucius quand il disait “Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie.” Pas sûr que Xi aime son boulot, et si c’est le cas, il le cache vachement bien derrière son masque figé de Commandeur, qui laisse la Cité interdite !

Pour assoir sa Xi-ctature démocratique du Peuple sous-vérin, il n’a pourtant pas ménagé sa peine, ni celle des nombreuses victimes qu’il a étouffées sous son zèle. Mais qu’est-ce que des milliers, voire des dizaines de millions de « dommages collatéraux », quand on a la charge de rendre à la Chine le leadership mondial qui lui a été confisqué voici plusieurs siècles ? On ne va pas se laisser impressionner par 2 ou 3 Pékins tout de même ? Si Pékin est certes au 8e rang des plus grandes villes du monde, elle ne représente tout de même que 1,5% de la population du pays !
Ah il a la main lourde, le Xi-ropracteur, quand il propose généreusement – mais cependant avec insistance – un « massage énergique » pour réaligner les vertèbres dissidentes de ces impatients de pas sages, qu’ils soient de Hong-Kong, de Macao ou d’ailleurs, sur la ligne du Parti. Vous pensiez être planqués à l’abri sur les sommets du Tibet ? Tintin ! Au fin fond du Xinjiang ? Vous vous Ouïgourez grave ! Au large, sur l’Ile de Taïwan ? Vous qui avez misé sur le statu Kuomintang, finirez, vous aussi, enfermés dans un bocal de Formose au fond d’un placard de la mère patrie.
Ses prédécesseurs, depuis Deng Xiaoping en 1976, avaient déjà mis le pays sur les rails d’une croissance exponentielle, lançant tôt le train fou d’une industrialisation à marche forcée, qui dévore et essore des foules de paysans, attirés par le mirage d’une vie meilleure dans des mégalopoles et des mégalo-usines poussant comme des champignons.

Encore deuxième économie du monde, la Chine a cependant déjà dépassé les Etats-Unis par son PIB en parité de pouvoir d’achat depuis 2014, l’année suivant l’accession de Xi au pouvoir suprême. Et le monde a regardé grandir celui qu’il prenait encore pour un Nain jaune, le voyant devenir l’atelier manufacturier du Monde, inondant la planète de ses montagnes de containers de productions « made in PRC ». Quelle endurance et quelle générosité, ces foules prolétaires innombrables qui acceptent spontanément – sous l’œil bienveillant d’Oncle Xi – de trimer 7 jours sur 7 pour des salaires de misère dans des conditions inhumaines, pour nous permettre de nous offrir l’écran plat, le grille-pain ou le dernier téléphone à la mode toujours moins cher.
Et puis, soyons honnêtes, quelle naïveté aussi, nous disions-nous, plus cyniques que sinophiles. Tout en trimant sang et eau pour satisfaire notre boulimie consumériste, ces lutins du père Noël étaient aussi en train de goûter – et de prendre goût, comment en serait-il autrement ? – aux distractions, aux addictions, et à l’accumulation capitaliste. Cet opium avait déjà fait fondre le bloc de glace soviétique, il allait inexorablement hypnotiser cette nouvelle foule communiste et sentimentale, qui serait attirée elle aussi par les étoiles, le gasoil et tant d’offres commerciales.

ni vu ni connu »
Et les multinationales aux aguets de saliver déjà, serviette autour du cou, sur l’immensité du gâteau à se partager.
Mais Xi a omis d’être bête, lui aussi « il a tout compris », bien avant Free.
A force de confier progressivement à la Chine la fabrication du moindre produit pour en réduire inexorablement le coût de production, nous nous réveillons soudain avec la gueule de bois, totalement dépendants, « pieds et poings liés » pour un nombre impressionnant de fournitures stratégiques. Un seul exemple, l’amoxicilline, médicament le plus prescrit aux patients dans les hôpitaux en France, n’est produit qu’en Chine (90% de tous les antibiotiques au monde ne sont fabriqués qu’en Chine et en Inde). Mais la situation est similaire dans des pans entiers de l’économie, comme nous en avons eu un tout petit aperçu à l’occasion des multiples « crises d’approvisionnement » au début de la pandémie de Covid-19.
Face à la très courte vue des géants de Wall Street soumis à la dictature des résultats trimestriels, et même du gouvernement américain pendu à la pendule des élections tous les 4 ans, le Dragon joue lui sur une partition du temps long. Indéboulonnable depuis près de 10 ans, Xi va puiser son inspiration dans la sagesse multi-millénaire d’un contemporain de Confucius, Sun Zi, et son « Art de la Guerre ».
« Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux et sans oreilles » disait déjà Sun Zi il y a 2500 ans. Capitalisant sur le savoir-faire développé de longue date dans l’espionnage militaire et industriel, la Chine de Xi Jinping a développé une armée de hackers soupçonnés d’être derrière les cyber-attaques les plus massives des dernières années (talonnés par leurs voisins et souvent alliés de circonstance, les Russes).
« L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat » professait Sun Zi. A l’aube du 21e siècle, 2 anciens colonels de l’Armée chinoise font écho à ce principe dans leur livre, « la Guerre hors limites », qui explique comment vaincre un adversaire technologiquement supérieur (en l’occurrence, les États-Unis) en s’appuyant sur « divers moyens » autres que la confrontation militaire directe.
Et Xi est passé maître dans l’art d’inventer et de déployer ces « divers moyens » tous azimuts.

Zedong avait maolicieusement insinué qu’« il n’y a pas de routes droites dans le monde ». Xi s’emploie à dérouler ses sino-euses « nouvelles routes de la Soie ». Elles serpentent et étendent progressivement leurs tentacules tout autour de la planète, pour enserrer les territoires dans leur emprise, en capter toutes les ressources, et les ramener… vers soi.
Que d’efforts déployés pour « venir en aide » à toutes les veuves et les orphelins de la planète – qui tombent aussitôt dans sa zone d’influence : la Grèce à qui des joyaux, dont le port du Pirée, sont rachetés alors que le pays est menacé du pire, le continent africain quadrillé par ses conglomérats miniers ou de BTP, ou plus récemment, les « pauvres » talibans d’Afghanistan mis au ban de la communauté internationale, à qui la Chine a offert de prêter l’oreille (en oubliant de mentionner le taux d’intérêt).
Pour saper l’ennemi sans l’affronter de face, ce redoutable joueur de go redouble d’imagination : lâcher sur la scène internationale une meute de jeunes « loups combattants » qui rendent vraiment les balles de Monsieur l’Ambassadeur inoubliables. Ou revendiquer le moindre caillou qui dépasse de l’eau en Mer de Chine (son nom laisse pourtant peu de doutes sur l’identité du propriétaire, non ?) pour y planter un drapeau et une patrouille de plantons. Ou mettre des bâtons dans les roues au Conseil de Sécurité de l’ONU à la moindre occasion avec l’autre larron, la Russie.

Ecartée de la Station Spatiale Internationale, la Chine de Xi a patiemment développé et mis sur orbite son propre « Palais Céleste », et nargue ses arrogants petits camarades en envoyant sur la Lune des sondes baptisées « Lapins de Jade » – loin d’être crétins – damant le pion au grand rival américain en étant les premiers à se poser sur la face cachée, ou à ramener des échantillons de roche lunaire sur la Terre.

Mais le Xi-tanic ne commencerait-il pas à prendre l’eau ?
Les Cassandres entendent déjà sonner le gong du K.O. en voyant vaciller Evergrande, le 2e plus gros promoteur immobilier chinois – qui emploie 200.000 personnes et revendique 3,6 millions d’emplois indirects dans le pays – qui croule sous une dette accumulée de 260 Milliards d’€ pour financer un feu d’artifice de diversifications hasardeuses dans des secteurs aussi avariés que les parcs d’attraction ou la banque. Est-ce la première fissure qui va entraîner l’effondrement de la gigantesque bulle du marché immobilier chinois ?

En 1973, Alain Peyrefitte s’inquiétait de voir « la Chine se réveiller » quand le soleil se lèverait sur l’Extrême-Orient. Les évolutions brutales et massives qu’a depuis connu le pays avec l’exode rural, la politique de l’enfant unique et les chocs sociétaux ont tellement accéléré les évolutions que nous craignons désormais d’en vivre – déjà – le crépuscule. En effet, la natalité s’effondre rapidement et la pyramide des âges du pays est en train de se retourner comme une chaussette, au point d’envisager que sa population commence à baisser dès 2027, et qu’elle se fasse dépasser alors par l’Inde ! Quand l’atelier du Monde commencera à se vider de ses bras et que le plus grand marché mondial commencera à tomber comme un soufflé, pendant que les hospices se rempliront de vieux vaseux chinois, il aura fière allure sur son radeau à la dérive, le Grand Timonier ! Il aura plus de mal à grimer un pangolin en caribou pour essayer de nous convaincre que le virus de la Covid-19 n’est pas chinois, mais américain.

Mais ne sous-estimons pas notre Ma-Xi-avel, qui connait son Sun Zi par cœur : « Il faut feindre la faiblesse, afin que l’ennemi se perde dans l’arrogance » et « Attaque ton ennemi quand il n’est pas préparé. Apparais quand tu n’es pas attendu ».
Et le fait est qu’on ne s’attendait pas à la frénésie récente de risettes de ce pince-sans-rire :
Jack Ma et quelques autres grands patrons ou personnalités publiques se sentent pousser des ailes de géants arrogants, à vanter Alibaba, Tencent, Ant Group et les 38 autres voleurs ?

RESET. Les voilà qui disparaissent plusieurs jours ou semaines « dans la matrice », et reviennent « reformatés », courbant l’échine et ânonnant le discours officiel du Parti.
Les jeunes mineurs chinois aux corps ronds s’adonnent jour et nuit aux jeux vidéo, nouvel opium du peuple qui menace leur avenir de mineurs au charbon dans les corons ?
RESET. Xi vient tout de go d’annoncer la fin de la récré avec la limitation à 3 heures par semaine et 1 heure par jour maximum du temps de jeu des mineurs (on signe où pour y inscrire ses enfants ?). Et pour occuper leur « temps de cerveau disponible » soudain libéré (il a décidément pensé à tout !), il a généreusement offert d’introduire dans le programme obligatoire de toutes les écoles de Chine, dès 6 ans (accrochez-vous) : « la pensée Xi Jinping sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère (sic)» !

Il s’affiche aujourd’hui comme le Maître des Cartes, le Xi-romancien. Alors il écrit sa propre histoire, ou du moins il la dicte à des plumes serviles, des ombres chinoises, et n’hésite pas à substituer sa pensée unique au kilo aux idéogrammes.
Mais prend garde, Oncle Jinping, quand la Chine s’éveillera…

Rigoureuse connaissance de la Chine ! L’esprit, la politique…
Si tu étais Chinois, tu avancerais puissamment sur la Grande muraille, et en souplesse sur la Route de la soie. Et tu illustrerais de ton inventive production la prédiction d’Alain Peyrefitte.
Comme tu le dis, pour dominer aujourd’hui, partout comme en Chine il faut chinoiser, habilement, avec créativité, conviction et persévérance…
Kfard, Grand Timonier
de l’Esprit éclairé
de la lumière du Milieu,
reviens bientôt de la Chine pour enrichir notre culture
de l’esprit du sourire du coeur
universel
Merci Xi ? Merci 6-Krmagnole, énorme merci pour tes commentaires plus que parfaits.
Si je ne connaissais pas la profondeur de ta bienveillance, ayant lu des proverbes (chinois et chez d’autres) sur les flatteurs, j’aurais de sérieuses raisons de m’inquiéter…