Toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui en veulent,
Plus lui, plus elle, tous ceux qui en dégueulent,
Allez venez profitez d’la finance,
Allez venez, abuser d’l’insouciance.
A deux à mille, je sais qu’on est capables,
Tout est possible, tout est réalisable,
On peut s’enfuir bien plus haut que nos rêves,
Amasser nos fortunes pendant qu’ils crèvent[ii]
Allez, tous en chœur ! Vincent, Bernard, Xavier, François-Henri, Patrick et les quelques autres…
Sans oublier nos camarades de l’Internationale : Elon, Jeff, Mark, Warren, Tim
Toi aussi tu as été outré par l’indécence de la dernière téléréalité qui fait « du beuze », « Frenchie Shore » ?
- Si tu as été « choqué grave», clique 1
- Si tu as été « sur le 2 ! » tape cul (toutes mes excuses pour ma dysorthographie, vous aurez rectifié par vous-mêmes)
- Si tu as été « déçu que certaines – rares – scènes soient coupées au montage ou floutées », abonne-toi vite à la version PRIME/VIP/GOLD
… et si tu as été « éberlué jusqu’au dégoût », envoie 4 par télégramme ou pigeon voyageur
Accroche-toi, tu n’as encore rien vu !
« Mesdam.e.s-messieur.e.s-tou.te.s & tou.te.s, bienvenue dans la saison COP28[iii] de :
FRENCHIE OFF-SHORE[iv]
plus indécent que nous, tu meurs ! »
C’est bien simple, le pl’indécence de nos bolides Maserati, Bugatti, Bentley,… laisse loin, très loin derrière la pourtant immodérée consommation d’alcool de cette brochette de fêtardés flambeurs et ‘xhibitionnistes.
… Mais elle est elle-même une goutte d’eau dans l’océan comparée à la consommation de nos yachts et de nos jets privés , qui elle-même n’est qu’un confetti dans le carnaval démesuré, le feu d’artifice d’anthologie que dégagent les fusées avec lesquelles on s’envoie en l’air, pour échapper à la gravité… de vos mines contrites et de vos regards désapprobateurs !
Alors quoi, on n’a plus le droit de s’amuser ?
Eh oui, nous ne sommes qu’un des cent, mais que vous êtes tristes et fades, vous les 99%, qui n’êtes ni milliardaires, ni même millionnaires ! Vous nous accusez d’exploser le bilan carbone de la planète ? Peut-être, mais c’est qui qui plombe l’ambiance ? C’est pas encore plus nocif, peut-être ? Arrêtez donc de faire vos fâcheux, à force, on va préférer Praud-longer la fête avec les fachos… (oh, ça va, on ne peut vraiment plus rien dire, même pourri-Gauler…)
Culottés ? Vous nous trouvez culottés ?
Mais ouvrez donc les yeux, mes pauvres… mes pauvres… mes pauvres tout simplement – sujets et compléments sans objets. Vous ne voyez donc pas qu’on n’a jamais cessé de flamber, de faire la bamboche, de se vautrer dans des orgies, des bacchanales, avec la même insouciance, depuis la nuit des temps ? Les hommages que nous rendons cérémonieusement à Crésus nous profitent infiniment plus que vos siècles de prières à vos Jésus de pacotille.
Oui, nous avons beau être 50 fois moins nombreux, nous émettons 2 fois plus de CO2 à nous seuls que les 50% les plus pauvres de la planète, mais soyez fair-play : nos revenus sont aussi 2 fois plus élevés ! Et en richesse accumulée, on fait encore plus fort : on possède autant que vous tous réunis, vous les 99% ! Alors avec tout ça, vous ne voudriez pas qu’on n’achète que des composteurs et des légumes bio ? Même si on le voulait, on n’aurait pas la place, même en remplissant tous nos dressings, nos garages, nos salles de bal, nos saunas, nos piscines d’intérieur et nos résidences secondaires !
Et quoi ?
Le ciel nous est-il pour autant tombé sur la tête ?
Le déluge nous a-t-il englouti avant d’amener devant le tribunal divin le cas Noé ? Les sept plaies d’Egypte ont-elles dévasté nos fermes géantes, celles qui s’étendent sur des millions d’hectares arrachés aux forêts défrichées et aux peuplades autochtones ? Que nenni !
Oh, certes, le nombre et la gravité des catastrophes naturelles augmentent sensiblement, et le jour du dépassement[v] continue à avancer inlassablement (on en est au 2 août cette année !), mais est-ce que ça doit nous empêcher de dormir, dans les draps de soie des suites climatisées de nos villas de luxe gardiennées ?
Même pas mal ! Nous avons à peine ressenti l’effet du fameux « dérèglement climatique », cet accès de fièvre de la planète. Et pour ça, on vous doit une fière chandelle !
Eh oui, merci à vous, les 99% ! Grâce à votre extraordinaire et remarquable résilience (si, si, ne rougissez pas ! Vous êtes vraiment épatants ! Nous serions incapables de supporter le dixième de ce à quoi vous avez survécu dans ce domaine ! Comme quoi, chacun a des ressources, parfois insoupçonnées…), vous avez atteint le Graal du capitalisme, en réussissant l’exploit de « faire toujours plus avec moins » ! Malgré la croissance continue de vos effectifs (ah, foules sentimentales !), et la diminution concomitante des ressources à votre disposition, vous vous êtes partagé une part toujours plus fine d’une cerise qui diminuait à vue d’œil… Et vous avez eu la délicate attention de souffrir en silence pour nous laisser nous bâfrer de notre gâteau à la crème qui continue inlassablement de grossir, de gonfler, d’enfler : c’est bien simple, on frise la crise deux fois (très exactement deux fois… plus que vous tous réunis : c’est la part des nouvelles richesses créées sur les 10 dernières années que nous avons su capter – 28.000 milliards de dollars…[vi]).
Ce ne serait pas votre première tentative de nous prouver par A + B la supériorité de vos lénifiantes « solidarité » ou « bienveillance » : qui se souvient des bonnes intentions de l’astucieuse et trop audacieuse « Lizzie » Magie Philips ?
C’est elle qui a inventé, et breveté, le jeu du Monopoly en 1904[vii], avec des règles qui permettaient d’encourager la… solidarité entre les joueurs pour gagner la partie. Oui, vous avez bien lu ! Encourager la solidarité entre joueurs ! Mais alors d’où vient le monstre mutant de Monopoly que nous connaissons, ce champ de bataille capitaliste qui a brisé des familles par millions et généré des bataillons de spéculateurs psychopathes ? Et bien ce sont les opportunistes Parker Brothers qui ont spolié sans vergogne l’inventrice, retourné le principe et les règles initiales, et en ont fait le blockbuster que nous connaissons tous depuis sa commercialisation en 1935, pour leur plus grande fortune, célébrité et postérité !
A+B = $$$$, CQFD[viii] !
Et vous nous demanderiez maintenant de participer à l’effort collectif ? Vous ne le savez peut-être pas, malgré le battage médiatique que nous entretenons dans les journaux et les chaînes de télévision qui appartiennent à la famille – mais discrètement, car mécènes, nous savons nous mettre en scène, mais point trop n’info ! – nous consentons déjà à une contribution sonnante et trébuchante à nos œuvres !
Allez, soyons fous, vous allez voir que nous avons le sens de la fête, en plus de celui des affaires : nous daignons, avec magnanimité, augmenter non pas de 10%, ni même de 30%, mais de 100%notre contribution, pour la passer de 0.2 à 0.4% de nos revenus. Bon, en pourcentage, ça pourrait sembler presque mesquin, mais le montant, tout de suite a plus de gueule : attendez juste que je compte les zéros, par grappes de trois…
Quoi ? Qu’entends-je ? La planète entière se moque de ma charité, pourtant si bien ordonnée ?
Si je suivais votre raisonnement, juste pour éviter que la planète s’effondre encore plus, il faudrait que je divise mon empreinte carbone par…10 !? Mais vous n’y pensez pas sérieusement, mon brave ?
Je tombe des nues !
Et pourquoi pas nous priver aussi, moi et mes complices – pardon, mes camarades (eh oui, avec les Parker Brothers, on a piqué le concept au Marx Brother) – du petit plaisir de retourner notre veste ou changer de look plus vite qu’Arturo Brachetti[ix], en profitant de la livraison à domicile plus rapide que l’éclair des sites de fast fashion ? En plus de notre fric, vous voudriez nous priver de nos fringues, frocs et fracs en vrac ?
Voyons, faites preuve d’un minimum d’humanité en-vert nous : si on fait l’effort de commander par internet et qu’on paye un supplément pour la livraison par véhicule électrique, on ne peut pas faire plus écolo, non ?
Vous ne voudriez tout de même pas qu’on finisse tout nus, tel Adam privé d’Eden Park ?
S’il vous plaît, s’iiiiiiiiiil vous plaît, ne nous abandonnez pas à notre triste sort…
Sans vous, les 99%, nous nous retrouverions…
comme Rolls sans Royce
comme Jaeger sans Lecoultre
comme les Champs sans Elysées
comme Nans sans Mouts[x]…incapables de nous débrouiller seuls !
L’herbe des golfs de notre paradis ne serait pas aussi verte sans votre sueur et vos larmes qui l’arrosent ! Nous aurions l’air de néanderthaliens hirsutes sans vos talents et soins attentionnés pour nos régimes de nababs et nos manucures sur mesure !
S’il vous plaît, s’iiiiiiiiiil vous plaît… Laissez-nous jouir de notre rêve d’insouciance,
juste encore pour une décennie… ?
ou seulement une année… ?
encore un soir… ?
encore une heure… ?
Encore une larme de bonheur
Une faveur, comme une fleur
Un souffle, une erreur[xi]
Pattes de mouche du Kfard :
[i] Eh oui, un Haiku. Si vous aimez ça, allez donc en trouver d’autres dans l’article du Kfard du 2 juillet : https://www.lekfarddchaine.com/haiku-tout-simplement-ou-simplement-tout/
[ii] Réinterprétation libre inspirée par la chanson “Toi+Moi » de Grégoire
[iii] COP comme … « Comment On Profite ! », bien sûr
[iv] dans le domaine de la finance et de la gestion d’entreprise, le termeoffshore est utilisé pour désigner la création d’une entité juridique dans un autre pays que celui où se déroule l’activité, afin d’optimiser la fiscalité (paradis fiscal).
[v] Jour du dépassement de la Terre : calculée par le Global Footprint Network, la date du 2 août correspond à la date à laquelle l’humanité a consommé (empreinte écologique) l’ensemble des ressources que la Terre peut reconstituer en une année (biocapacité). Autrement dit : pour régénérer ce que l’humanité consomme aujourd’hui, il nous faudrait l’équivalent de “1,7 Terre” en termes de surface.
[vi] Source : OXFAM
[vii] Elle avait appelé le jeu « The Landlord’s game »
[viii] CQFD : abréviation qui en mathématiques permet de donner le résultat d’une démonstration : « Ce Qu’il Fallait Démontrer »… ici nous pourrions tout aussi bien lire « Ce Que Finance Décide… »
[ix] Arturo Brachetti : célèbre illusionniste italien, passé maître dans l’art du transformisme
[x] Les deux géniaux créateurs et héros du quotidien d’une des seules téléréalités qui fait du bien à l’âme et au coeur, « Nus et culottés », qui a inspiré le titre de mon billet. Elle est diffusée depuis juillet 2012, sur France 5. Si vous n’êtes pas fan encore, découvrez-les vite, en replay.
[xi] Refrain d’une chanson de Céline Dion : https://youtu.be/SxyahDOtqZw